Drame à El Jadida : quand l’abandon des dépressifs par le système de santé mène à l’irréparable

Une mère découvre son fils pendu à la fenêtre du domicile familial, près du siège de la municipalité d’El Jadida : un drame qui met à nu les failles criantes de notre système de santé mentale.
La ville d’El Jadida s’est réveillée, jeudi à l’aube, sur une scène d’une rare cruauté : une mère, levée pour accomplir la prière du fajr, a retrouvé son fils de 39 ans pendu à la fenêtre de leur appartement de la résidence Miftah El Khair. La stupeur et la douleur l’ont aussitôt terrassée, comme elles ont frappé toute une communauté.
Le défunt avait passé plusieurs années en Europe avant d’être rapatrié au Maroc. Depuis son retour, il s’enfonçait dans une spirale de détresse psychologique. Faute de suivi médical adapté et dans un contexte où les médicaments psychiatriques coûtent souvent plus cher que ce qu’une famille modeste peut supporter, sa santé mentale s’est dégradée au fil du temps, jusqu’au drame.
Les autorités judiciaires et sécuritaires se sont contentées, comme le veut la procédure, de constater le décès et d’ordonner le transfert du corps à la morgue de l’hôpital provincial Mohammed V pour autopsie. Mais au-delà de l’aspect administratif, cette tragédie révèle surtout l’abandon silencieux dans lequel vivent des milliers de Marocains souffrant de dépression et d’autres troubles psychiques.

Dans un pays où les structures spécialisées sont rares, où les hôpitaux psychiatriques manquent cruellement de moyens, où le nombre de psychiatres reste dérisoire face à l’ampleur des besoins, les malades se retrouvent livrés à eux-mêmes. Lorsque la famille n’a pas les ressources nécessaires pour financer médicaments et consultations, il ne reste que la résignation… jusqu’à l’irréparable.
Le drame d’El Jadida n’est pas un cas isolé. C’est le symptôme d’un problème national profond : un système de santé qui continue de considérer la santé mentale comme une variable secondaire, et qui, par son indifférence, condamne des vies et brise des familles entières. Combien faudra-t-il encore de tragédies pour que l’on comprenne que la santé psychique est aussi fondamentale que la santé physique ?

Abdellah Hanbali

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