Il est de ces hommes qui ont tout donné au football sans jamais rien attendre en retour. Des joueurs rares, entiers, dont la fierté, la dignité et l’amour du maillot ne pouvaient cohabiter avec les jeux d’intérêts et les opportunismes qui gangrènent, hélas, certains cercles décisionnels.
À El-Jadida, ville pourtant riche en talents, combien sont ceux qu’on a oubliés parce qu’ils ont refusé de courber l’échine, de flatter ou de marchander leur honneur ? Jilali Hassani fait partie de cette race noble, à l’image d’autres légendes marocaines comme feu Dolmy, S’haita, feu Raâd…
Mais Jilali Hassani, ce n’était pas un joueur comme les autres. C’était un roc. Un défenseur d’exception, un guerrier sur le terrain, respecté par ses pairs et redouté par ses adversaires. À une époque où les matchs n’étaient ni filmés ni archivés, il aurait fallu être présent dans les tribunes pour témoigner de sa puissance, de sa souplesse et de son intelligence de jeu. Un défenseur infatigable, capable de lire l’action avant qu’elle ne se construise, de neutraliser les attaquants les plus redoutables comme s’ils n’étaient que des silhouettes.
Nombreux sont les gardiens du DHJ à avoir brillé, mais combien doivent leur sérénité à ce « verrou humain » qui, match après match, bloquait toutes les issues ? Jilali ne défendait pas : il régnait.
Parmi les souvenirs gravés dans les mémoires, un match contre le Wydad reste mythique. Le Difaâ menait 1-0 au stade Al Abdi. Le gardien Ahmed venait d’être lobé. Le ballon filait vers les filets. Le silence s’était abattu sur les tribunes pleines à craquer : le moment était suspendu. Et puis soudain, Jilali surgit. Comme un lion, tel un Simba majestueux, il bondit dans les airs et, d’un ciseau acrobatique, renvoya le danger, arrachant au destin ce but que tout le stade croyait acquis.
Ce geste, ce réflexe venu d’un autre monde, déclencha une clameur inoubliable. À côté de moi ce jour là, feu Ahmed Benhlima, dit Hmidou, chauffeur de taxi et supporter passionné, se leva, hurlant de joie : « Sidi ya Sidi ! Rah alli Sidi, Sidi ! » Ce jour-là, Jdidis et Wydadis applaudirent ensemble ce sauvetage d’un autre temps. Et je peux dire qu’à ce jour, jamais je n’ai vu, dans aucun autre match retransmis des quatre coins du globe, un tel sauvetage. Il n’a eu lieu qu’une fois. C’était , à El-Jadida. Sur terre battue. DHJ 1- WAC 0.
Or, que reste-t-il aujourd’hui de cette légende ? Des souvenirs, oui. Des récits émus. Mais aucun hommage officiel. Rien qui porte son nom. Pas une salle, pas un stade, pas même une ruelle. Jilali Hassani n’en réclamera jamais. Il est trop fier pour cela. Mais est-ce une raison pour que les siens l’ignorent ? Pour que sa ville ferme les yeux sur ce qu’il a représenté ?
Il est temps que les consciences s’éveillent. Il est temps que les forces vives de cette ville: élus, responsables, acteurs associatifs, sportifs… unissent leurs voix pour qu’un hommage digne soit enfin rendu à ce monument du football doukkali. Il est temps qu’un complexe, un terrain, une avenue porte le nom de Jilali Hassani.
Abdellah Hanbali
