C’était plus qu’un simple moyen de transport : c’était une expérience à part entière, un voyage dans le voyage.
À peine leur silhouette se dessinait-elle au loin, qu’on reconnaissait leur signature sonore : un moteur essoufflé mais vaillant, des coups de klaxon affirmés dans les virages serrés, et ces arrêts souvent improvisés au bord de la route, là où un passager surgissait d’un champ ou d’un douar.
À l’intérieur, tout était couleur et ferveur. Les murs métalliques, patiemment repeints à la main, portaient des versets pieux, des « Dieu est Grand » ou « Alhamdou Lillah » soigneusement tracés en lettres arabes décoratives. Parfois, un prénom féminin, venait personnaliser le bus, comme un hommage discret.
Et puis, il y avait le contrôleur, figure incontournable, qui scandait à pleins poumons « Casa ! Azemmour ! » en s’approchant de la gare routière, jouant le rôle de GPS humain bien avant l’heure. On n’oubliait pas non plus les longues haltes à Azemmour, où l’on prenait le temps de charger un colis, d’attendre une mère avec enfant ou de saluer une connaissance.
Dans ces bus, il y avait de tout : des étudiants, des ouvriers, des commerçants… et parfois même quelques poules ou un cabas débordant de menthe fraîche. C’était un concentré de Maroc en mouvement, de chaleur humaine, d’odeurs de gasoil mêlées à celles du pain et des épices.
Aujourd’hui encore, le souvenir de ces vieux bus continue de rouler dans les mémoires.
Aicha T