Chronique de Mustapha Jmahri : La noyade du fils du caïd dans la baie d’Oualidia en 1946

Le 23 novembre 2023 j’ai consacré une chronique à l’ancienne cité balnéaire d’Oualidia à partir de l’analyse d’une ancienne carte postale datant des années 1950. Cet article comprenait maintes informations et moult détails collectés des anciens de la région qui y avaient vécu un certain moment ou y avaient un chalet sur la plage.
Dans cet article j’ai cité le témoignage d’une connaisseuse d’Oualidia et de sa région, madame Nicole Fredericq, épouse de Pierre Fredericq qui a construit l’hôtel l’Hippocampe (Voir mon livre, « El Jadida, traces de pas sur la plage » 2023). Parmi les détails que cette dernière a cités, celle de la noyade dramatique du fils d’un caïd de la région survenue en 1946 dans la baie et dont elle était témoin oculaire.
Selon Nicole, en été 1946, la baie connut une scène dramatique : le fils du caïd mourut noyé dans la passe. Il était avec son précepteur et la fille du Docteur Robert Accart, ancien chirurgien à Marrakech, dans une barque à rames sur la lagune à marée descendante. Malgré tous les efforts du rameur qui avait jeté l’ancre, ils furent entraînés et arrêtés dans la passe derrière la pointe de la presqu’île située à gauche. La mer était mauvaise et la barque prenait l’eau. Courageusement Driss, le cuisinier de l’Hippocampe les avait rejoints en barque et avait essayé de les sauver. Au moment du transbordement, le fils du caïd paniqué, il avait dix ans, sauta alors qu’une vague écartait les deux barques. Il tomba à l’eau et disparut. Tout Oualidia avait assisté impuissant au drame. Nicole précise : « Nous avions eu le temps d’aller jusqu’à la pointe de la presqu’île avec des cordes mais les falaises étaient trop hautes et la mer trop mauvaise. Triste souvenir qui aurait pu être pire sans l’héroïsme de Driss ».
Une année plus tard soit le 30 septembre 2024, cet épisode sur la noyade a interpellé une marocaine de Rabat qui m’a envoyé l’email ci-après : « Je me permets de vous écrire après être tombée par hasard sur un article dans lequel vous relatez un événement dramatique survenu en 1946 à Oualidia, où le fils du caïd de la région est décédé. Je suis particulièrement interpellée par cette histoire, car elle semble coïncider avec un événement similaire dans ma propre famille. Vers 1950, mon oncle fils du caïd de Sidi Rahal près de Marrakech à l’époque, a trouvé la mort dans des circonstances similaires. Il était âgé d’une dizaine d’années et était accompagné de son frère, ainsi que de leur précepteur. Je m’intéresse beaucoup à l’histoire de mes ancêtres et c’est comme cela que votre article a éveillé ma curiosité. Auriez-vous des informations des personnes ayant une connaissance plus approfondie de cette tragédie ? ».
J’ai réagi et demandé à ma correspondante en France si elle avait d’autres détails sur cette tragédie. Elle a bien voulu me faire parvenir cette précision : « Bonjour Mustapha, c’est Daniele Accart qui se trouvait dans la barque avec le fils du caïd et son précepteur en mauvaise posture dans la grande passe d’Oualidia. Emportée par le courant vers la grande passe, la barque a été stoppée grâce à l’ancre jetée et bloquée dans le fond. Le cuisinier de l’hôtel l’Hippocampe, très bon rameur et connaisseur du lieu a pris une autre barque pour les rejoindre et faire le transfert des trois personnes, dans son embarcation. Le jeune fils du caïd paniqué a voulu sauter dans la barque au moment où une vague a séparé les deux embarcations et le petit est passé par-dessus bord bien que retenu par un pied par les petites mains de la gamine Daniele Accart qui n’a pu le retenir épuisée, trop longtemps, le fils du caïd a disparu dans les flots, mort noyé. …Tout le monde présent a assisté à ce drame, choqué, impuissant et consterné. Le reste de l’équipe a pu être sauvé par le courage de ce cuisinier face aux terribles vagues menaçantes. Je vous confirme que pour moi cette noyade dans la passe d’Oualidia a bien eu lieu en juillet 1946. L’évènement avait été relaté dans la presse, et je pense que la personne qui s’y intéresse le retrouverait dans « Le Petit Marocain », ou bien dans « La Vigie Marocaine ».
La vie est ainsi faite de joies et de drames, et tous comptent pour construire notre histoire.
Jmahrim()yahoo.fr

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