Le Requin Bleu : chronique d’un gâchis annoncé

Naguère, « Le Requin Bleu » trônait fièrement à Sidi Bouzid, perle côtière offrant une vue imprenable sur l’Atlantique. Haut lieu de la gastronomie locale, il avait su s’imposer comme une adresse prisée, digne des meilleures tables, attirant une clientèle fidèle et conquise.

Mais la beauté des lieux et la satisfaction des clients n’ont visiblement pas suffi à contenir l’appétit grandissant de certains conseillers communaux. Plus cet établissement gagnait en notoriété, plus il suscitait convoitise, rancunes et manigances. Des élus, frustrés de ne pas en tirer leur part du gâteau, ont tout entrepris pour en chasser le gérant — Nabil — sous prétexte que d’autres investisseurs promettaient monts et merveilles à la commune.

À l’époque, le gouverneur Mouâd Jamiî, conscient du jeu trouble qui se tramait en coulisses, avait tenté de barrer la route à ces « manitous » de l’ombre. Il savait qu’un tel établissement ne pouvait être géré que par un professionnel aguerri, capable de préserver ce joyau patrimonial tout en répondant aux exigences d’une clientèle avertie.

Peine perdue. Face à la pression, l’intimidation et les intérêts croisés, le bras de fer s’est soldé par la fermeture brutale du « Requin Bleu ».

Cinq ans ont passé. Et parmi tous ceux qui prétendaient se bousculer au portillon, nul n’a daigné présenter une offre à la hauteur des promesses tonitruantes. Pire encore : aucune trace d’un savoir-faire capable de relever la barre. Le lieu, désormais à l’abandon, tombe en ruine, victime d’une gestion hasardeuse et d’un aveuglement collectif.

Ce bien public, rappelons-le, a été financé par l’argent du contribuable. Fallait-il vraiment le sacrifier sur l’autel de l’orgueil et de la cupidité ?

Les auteurs de ce naufrage devront un jour répondre de leurs actes. En attendant, Sidi Bouzid pleure l’un de ses plus beaux symboles. Pitié pour cette ville.

Abdellah Hanbali

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