Il ne peint pas. Il s’efface. Pour mieux laisser parler la toile. Abdellah Yacoubi ne se contente pas de manier couleurs et pinceaux : il s’abandonne à son art, dans une sorte de communion silencieuse avec la matière, les formes et les émotions. Son exposition, sobrement intitulée « Couleurs de l’âme », en dit long sur cette quête intérieure qui irrigue chacune de ses œuvres.
Pour cet artiste atypique, l’art n’est pas un métier. C’est un état d’esprit. Une manière d’être au monde. Une posture éthique qui embrasse la générosité, le respect de l’autre, de la nature, et une volonté de transcender le quotidien. « On peut être artiste sans jamais toucher un pinceau. Et l’on peut peindre toute sa vie sans l’être », résume-t-il avec calme, mais conviction.
Interrogé sur une toile en particulier, Yacoubi répond à la manière d’un mystique :
« Ce n’est pas moi qui l’ai peinte. C’est un autre moi. »
Le ton est donné. Ici, pas de démonstration technique ni de recherche d’effet. L’artiste parle d’osmose, de symbiose. L’acte de peindre devient une sorte de chorégraphie instinctive, où le geste prolonge la pensée, et où chaque touche obéit à une émotion préalablement réfléchie, mais jamais figée.
« La spontanéité, ce n’est pas l’improvisation », insiste-t-il. « Chaque toile est pensée comme une construction harmonieuse, où les couches de peinture se superposent, se répandent, jusqu’à livrer une interprétation du rêve. » Le rêve, oui, mais pas déconnecté du réel. Un rêve ancré dans la conscience et nourri d’introspection.
Son style, tout en finesse et en lumière, intrigue les critiques. Ils y voient des personnages aux contours volontairement flous, comme absorbés par une lumière douce ou happés dans une dynamique visuelle presque cinétique. Pas de rigidité. Pas de cadres fermés. Juste une quête de sens, spirituelle et persistante. Car l’art de Yacoubi ne s’explique pas. Il se ressent. Il irradie d’une lumière intérieure. Il parle à ceux qui acceptent de voir au-delà des formes. Et ce qu’il raconte, c’est l’humain, dans toutes ses fragilités, ses grandeurs et ses élans mystiques.
En somme, « Couleurs de l’âme » est plus qu’une exposition. C’est un voyage sensible au cœur d’un être habité par son art, qui peint non pas pour plaire, mais pour dire. Dire ce que les mots taisent. Ce que l’âme ressent. Ce que seul le silence des couleurs peut révéler.
Abdellah Hanbali



