Il ne suffit pas de dénoncer un acte criminel pour en saisir toute la gravité ; il faut également interroger les comportements qui, sans être directement délictueux, traduisent une faillite morale tout aussi alarmante. La récente agression violente d’une femme, survenue en pleine rue et enregistrée par des caméras de surveillance, en est une illustration saisissante. Si les forces de sécurité, que l’on se doit de saluer, ont agi avec une rapidité exemplaire en arrêtant les auteurs de ce crime odieux, d’autres aspects de cette affaire soulèvent des questions préoccupantes.
Parmi eux, l’attitude du conducteur d’un véhicule de transport présent sur les lieux mérite une attention particulière. Ce dernier, témoin direct de l’agression, n’a manifesté aucun réflexe de solidarité, aucune tentative d’intervention, ni même un simple geste de réconfort une fois les agresseurs en fuite. Que l’on évoque la peur, que l’on invoque le principe de précaution face à des individus armés — cela peut, dans une certaine mesure, s’entendre. Mais que dire de cette absence totale d’humanité, de ce refus de s’arrêter pour porter assistance ou simplement s’enquérir de l’état d’une femme manifestement traumatisée ?
Pire encore, ce conducteur, loin de se montrer compatissant, a aggravé la souffrance de la victime en lui roulant involontairement sur le pied avant de reprendre sa route, sans le moindre égard. Un geste qui, à lui seul, incarne l’indifférence froide, presque mécanique, d’un quotidien où l’autre n’existe plus.
Cette affaire nous confronte à un malaise plus profond : celui de la perte des valeurs de solidarité et de responsabilité collective. Le fameux adage « Celui qui a peur sauve sa peau » ne saurait être érigé en justification morale. Il est des moments où le silence, l’inaction, voire la fuite, frôlent la complicité. Ce qui choque autant que l’agression elle-même, c’est le sentiment d’abandon que celle-ci révèle : celui d’une société où la peur et l’individualisme l’emportent sur le devoir d’humanité.
Il est donc impératif de tirer les leçons de ce drame. La généralisation de la vidéosurveillance doit être envisagée sérieusement, non pas comme une atteinte aux libertés, mais comme un outil de justice et de protection. Par ailleurs, un encadrement plus strict du port de casques intégraux, qui dissimulent totalement le visage, s’impose pour prévenir les délits commis en toute impunité.
Enfin, et surtout, il est urgent de réhabiliter l’éducation à la citoyenneté, à l’éthique, au courage civique. Car si les institutions peuvent garantir la sécurité, c’est à chacun de nous qu’il revient de faire vivre, au quotidien, les valeurs de solidarité et de compassion. L’indifférence ne sauvera jamais personne. Elle condamne.
El Jadida Scoop
Quand l’indifférence devient complicité silencieuse
