S’il y avait bien des changements urgents à opérer à El Jadida, après l’essor fulgurant du port de Jorf Lasfar et l’émergence de l’université Abou Chouâib Doukkali, c’était au niveau du centre-ville qu’ils devaient se concrétiser. Ce cœur urbain, autrefois animé, s’est peu à peu mué en un espace terne, sans âme ni vocation claire. Une corniche cernée d’administrations figées, loin de toute dynamique sociale ou culturelle, et bien incapable de répondre aux besoins d’une population qui a presque doublé en une décennie.
C’est précisément dans cet esprit que l’ancien gouverneur Mouâd Jamîî avait conçu un ambitieux projet de refonte du centre-ville : le transfert des administrations vers Hay Al Matar, autour de la grande mosquée de la place, libérant ainsi le front de mer pour en faire un pôle d’animation, de rencontres et de vie. Mais entre les intentions et la réalité, un gouffre s’est creusé. Le projet, miné par les appétits spéculatifs et la corruption, a dévié de sa trajectoire. À la place d’un espace public modernisé, on a vu fleurir cafés et immeubles privés, dont l’un appartenait, ironie amère, au président du conseil communal de l’époque.
Le désengagement progressif des services publics a fini de sceller le sort de ce centre délaissé : commissariat, perception, deuxième arrondissement communal, Office des mines,
tous ont tour à tour baissé rideau, abandonnant les lieux à une dégradation lente mais continue. Seul le « bureau arabe », réaménagé en musée, fait figure de survivant dans ce paysage d’abandon.
Ce centre-ville, qui aurait dû être un carrefour d’animation et de convivialité, s’est transformé en zone sinistrée. Mal éclairé, peu fréquentable, il ne fait plus rêver, même le simple va-et-vient d’antan y semble désormais incongru. Un autre rendez-vous raté avec l’histoire.
Abdellah Hanbali


