L’Association des Doukkala a organisé samedi 21 juin 2025 à la Fondation Abdelouahed El Kadiri à El Jadida une rencontre-hommage à l’écrivain Mustapha Jmahri sous le thème : « Les cahiers d’El Jadida pour une mémoire collective ». Le programme de cet événement débuta par la diffusion sur écran de témoignages filmés de quelques chercheurs marocains et étrangers qui s’expriment sur le travail effectué par cet auteur, suivie d’une table ronde avec quatre interventions de Nouzha Skalli, ancienne parlementaire et ministre, Soumaya Naamane Guessous, sociologue et consultante internationale, Hana Chérigui, professeure de sociologie à l’université Chouaib Doukkali et Olivier Revole, représentant du président de l’Amicale des anciens de Mazagan. La rencontre était modérée par le professeur Abdelouahed Mabrour, ancien doyen de la faculté des lettres d’El Jadida.
Ci-après le mot présenté par Soumaya Naamane Guessous en cette occasion :
Un honneur pour moi de participer à cet hommage attribué à un grand homme que j’ai toujours suivi dans ses écrits.
Je suis attachée à El Jadida par la famille de mon mari, dont le père est né dans cette ville. Que ce soit cette famille, ou mes deux filles, toutes se revendiquent l’appartenance à Doukkala.
Donc doublement honorée.
Si Mustapha Jmahri. Un homme dont l’humilité est aussi grande que sa valeur.
Lors du trentenaire des “Cahiers d’El Jadida” (Mars 2024), Mustapha Jmahri a déclaré : “j’ai eu de la chance d’avoir côtoyé de grandes figures de l’histoire et de la sociologie, trois éminents intellectuels qui m’ont mis le pied à l’étrier: l’historien Guy Martinet, qui m’a accompagné à El Jadida et Casablanca pour l’animation de rencontres sur l’histoire d’El Jadida, Nelcya Delanoë, historienne (un nom célèbre à El Jadida) qui m’a toujours conseillé et relu plusieurs de mes textes, et le sociologue Abdelkebir Khatibi”
Nous avons tous rencontré dans notre parcours des personnalités qui nous ont marqués, motivés, boostés et qui ont été de grands exemples pour nous. Si Mustapha a le mérite d’en témoigner, ce qui n’est pas toujours le cas.
Il a aussi déclaré : “J’ai appliqué dans mon travail les trois conseils que Khatibi préconisait :
– Se pencher sur le marginal qu’il soit humain, spatial ou social. Je me suis donc penché sur la cité d’El Jadida et sa population cosmopolite qui furent longtemps oubliées des recherches et des éditions,
– Travailler dans le cadre d’un projet pour assurer une méthodologie de travail et une continuité,
– Créer son propre lectorat. Le suivi de mes publications sous forme de livres ou d’articles prouve bien l’existence d’un lectorat intéressé”
Si Mustapha, j’ai toujours fait partie de votre lectorat
Mustapha Jmahri, une plume engagée, un esprit lucide, un passeur de mémoire.
Par son œuvre, il a su tisser des ponts entre les rives de l’histoire et celles de l’humain, entre la rigueur de la recherche et la sensibilité du témoignage.
Tu es de ceux qui n’écrivent pas pour briller, mais pour éclairer. Tu sais écouter les silences, redonner voix aux oubliés, et poser un regard à la fois critique et bienveillant sur notre monde en mutation.
Mustapha Jmahri, passeur de mémoire. Tu es un de ces rares écrivains qui se consacrent à préserver ce que le temps emporte trop souvent : la mémoire des lieux, des gens, des liens discrets qui façonnent une ville, une époque, une identité.
À travers tes innombrables chroniques sur El Jadida, ta région natale, tu agis comme un archiviste de l’intime et du collectif, un veilleur discret qui ressuscite des voix enfouies, des figures oubliées, des fragments d’histoire.
Ton œuvre est un pont entre les générations, un geste d’amour envers sa ville, mais aussi une résistance à l’oubli. Que tu évoques les colons, les résistants, les familles juives, les commerçants, les intellectuels de passage ou les anonymes de la médina.
Tu ne te contente pas de raconter : tu transmets. Tu donnes sens et épaisseur à ce qui pourrait sembler banal ou perdu. En cela, tu es un passeur de mémoire au sens le plus noble, celui qui écoute, rassemble, écrit et transmet, pour que l’histoire reste vivante et que la mémoire serve l’avenir.
Tu lances des cris pour attirer l’attention sur un patrimoine architectural en péril. Le dernier, à ma connaissance, est celui de la végétation qui menace les murs de la citadelle.
C’est en ce sens que je dis que tu es le gardien, vigilant, des pierres oubliées.
Ton œuvre ne se limite pas à la mémoire des hommes ; elle s’étend aussi à celle des lieux. Car tu sais que les murs parlent, que les pierres portent l’empreinte de ceux qui les ont bâties, traversées, habitées. Tu portes un intérêt profond aux monuments prestigieux menacés par l’oubli ou l’indifférence, à commencer par les remparts de la Cité portugaise d’El Jadida ou la majestueuse mais fragile Kasbah de Boulaouane.
Là où d’autres voient des ruines, tu vois des récits : la trace d’un passé commun, d’un dialogue entre civilisations, d’une mémoire architecturale qu’il faut à tout prix documenter, préserver, transmettre.
Tu ne dénonces pas seulement la dégradation des lieux, mais tu t’efforces d’en restituer la grandeur, la beauté, la portée historique et symbolique. Tu fais parler les pierres avec les mots justes, liant étroitement écriture et patrimoine.
En cela, tu es aussi un veilleur de mémoire patrimoniale, conscient que la sauvegarde du passé matériel est essentielle à la construction d’une conscience collective. Tu écris pour que les murs ne tombent pas en silence.
Au-delà de l’écrivain, tu es un citoyen profondément engagé, un homme qui pense que la culture, l’histoire et la mémoire ne doivent pas rester confinées aux bibliothèques, mais irriguer la vie publique, nourrir les consciences, éveiller les responsabilités. Ton engagement n’est ni tapageur ni partisan, mais constant, lucide, ancré dans le réel.
À travers tes articles, tes interventions, tes recherches, tu as toujours porté un regard exigeant sur ta ville, El Jadida, et sur son évolution. Tu t’es élevé contre l’indifférence face à la dégradation du patrimoine, l’amnésie collective, ou encore la marginalisation de certaines figures locales oubliées par l’histoire officielle. Tu ne te contente pas d’observer : tu alertes, proposes, écris pour agir pour faire agir.
Ton engagement était aussi une forme de résistance culturelle. Tu crois en la transmission, en la dignité de la mémoire locale, en la richesse des identités plurielles. À une époque où tout va vite, tu prends le temps de sauvegarder ce qui se perd, convaincu que l’avenir ne se construit pas sans fidélité au passé.
En cela, tu es un citoyen engagé, au sens le plus noble du terme : impliqué, intègre, habité par le sens du bien commun et de la responsabilité intellectuelle.
Si Mustapha, ton engagement citoyen t’honore. Chaque région, chaque ville devrait avoir son Jmahri Mustapha.
Que ton engagement et ta finesse d’analyse continuent d’inspirer les générations présentes et à venir.
Tu nous as façonné un héritage précieux : celui de la mémoire vivante et de l’écriture habitée.
Dieu t’accorde longue vie pour continuer dans ta mission de lanceur d’alerte.
N’ayant avec Mazagan-El Jadida que des liens relatifs à mes souvenirs d’enfance et d’adolescence, renforcés, depuis mon retour en France en 2012, par mes retrouvailles avec les anciens de L’AAMR, je saisis l’importance que Mustapha Jmahri joue dans la promotion du souvenir historique de cette cité et ne peux que le féléciter pour cette action et la reconnaissance officielle qu’elle suscite.
Bravo, Mustapha et merci,,dans l’ambiance générale qui alourdit notre monde, de maintenir une évidente amitié avec les Français, Européens et autres étrangers qui ont connu et aimé El Jadida dans le passé