Malgré la multiplication des supérettes, des supermarchés et des espaces commerciaux de tous genres, qui poussent comme des champignons, moul’hanoute , moul pisri ou l’épicier du coin reste une figure emblématique faisant partie du paysage de nos villes. Il inspire un sentiment de durée et de capacité à traverser les générations avec une rassurante permanence.
Il a accompagné l’enfance de tous les marocains et continue encore de jouer un rôle primordial dans leur quotidien en nouant au fil du temps des liens très étroits avec les habitants.
Liens qui transcendent l’aspect commercial pour se transformer en liens d’amitié .
Il connaît tous les résidents du quartier et partage avec eux le pain et le sel comme on dit. On va chez lui non seulement pour acheter mais aussi pour échanger, pour discuter de tout et de rien: de l’actualité , des évènements du quartier, du travail, de la famille…
Il est comme un repère. Les gens déménagent, les visages changent, mais lui est toujours là. Il reste incontournable pour faire des achats récurrents et des dépannages en cas de visites imprévues.
Vaillant commerçant ouvrant 7/7 , jusqu’à des heures indues les soirs, ne connaissant comme vacances que celles de l’Aïd El Kebir, il est capable d’offrir une gamme aussi large et variée qu’un supermarché, le tout dans un petit local de quelques mètres carrés. Des fruits et légumes, aux conserves et boissons en tous genres, des produits de nettoyage ou de toilette , au lait et aux yoghourts, des biscuits , des baguettes , harcha et confitures, des bouteilles de gaz aux aiguilles et articles de mercerie, en passant par des médicaments tels Aspro et Calmine vendus au détail, et bien d’autres choses encore.
On trouve tout ce dont on peut avoir besoin au quotidien. Il gère tout son stock de marchandises d’une manière efficace sans avoir recours à l’informatique.
Ce moul’hanout dont on a souvent caricaturé l’accent soussi et l’avarice à tort , joue un rôle dans la solidarité sociale. On lui doit le premier crédit à la consommation, avec rééchelonnement sur plusieurs mois sans intérêt et sans aucun service de la dette. Ceci avec le fameux légendaire l’carni , le carnet .
Et plus que ça encore, il peut même avancer de l’argent cash à crédit pour venir en aide à des gens dans le besoin ou pour acheter des médicaments. Il ne faut pas oublier non plus qu’il avait le privilège à une certaine époque, de posséder le fameux téléphone noir et faisait office des premières téléboutiques du quartier , où les anciens se rappelleront toujours son appel annonçant la plupart du temps une bonne nouvelle: envoi d’un mandat postal, réussite aux examens, visite de proches….Mouhammad l’épicier ( on appelle tous les moul’hanout Mouhammad) joue aussi un rôle dans la sécurité du pays. Il est une véritable base de données pour le BCIJ…car il connaît toutes les allées et venues de tout le monde, les étrangers au quartier …
Moul’hanoute aura-t-il encore de beaux jours devant lui ? C’est certain , dans la mesure où chaque visite chez lui est empreinte d’une certaine saveur , de chaleur et de convivialité qu’on ne peut trouver dans les grandes surfaces commerciales, et puis, on ne peut aller dans ces dernières pour acheter 0,20 DH de levure ou rab3a de farine tout en faisant un brin de causette n’est-ce pas ?
Khadija Benerhziel