Corine Roux vient de m’informer ce matin du vendredi 5 janvier 2024 du décès, à El Jadida, de son père le Mazaganais Jean-Louis Jacquety (Jean-Lou) pour les intimes. Il est décédé ce matin dans les bras de son épouse Rénata en présence de son autre fille, Agnès.
Ancienne figure de cette ville à laquelle il était très attaché, Jean-Louis était à l’origine de la création de l’association d’entretien du cimetière européen et d’autres initiatives louables.
Le nom de famille Jacquety est bien connu à El Jadida et également à Essaouira depuis au moins un siècle. En effet, l’histoire locale nous révèle qu’il s’agit d’une famille ancienne du Maroc depuis le XIXe siècle. L’aïeul, Henri Jacquety, enterré dans le cimetière européen de la ville, était né en 1842 et était arrivé jeune à Mazagan.
Né en 1932 dans cette ville, Jean-Louis y a fait ses études primaires et secondaires. Après le baccalauréat, il étudia l’agronomie en France puis partit à Madagascar comme détaché au ministère de l’agriculture. Arrivé à la retraite, l’attrait de sa ville natale a été très fort et il a décidé de s’y établir de nouveau. C’était en 2006.
C’est en revenant à El Jadida que Jean-Louis a choisi d’habiter dans un nouveau quartier non loin du cimetière qui abrite le caveau de sa famille. Petit à petit, il a commencé à s’y investir. Son premier geste fut de changer le portail d’entrée du cimetière, portail qui était dans un état lamentable. Mais ce cimetière avait aussi besoin d’un entretien au quotidien. C’est là que lui est venue l’idée de la création d’une association pour son entretien. Après discussion avec d’autres personnes concernées, un bureau fut constitué en 2008.
Une fois le cadre tracé, le travail commença par le branchement de l’électricité pour l’éclairage de l’entrée mais aussi pour permettre d’avoir de l’eau. Il faut dire que toutes ces actions demandaient un financement important. Jean-Louis reconnaît que l’association eut la chance de trouver, au début, l’appui de M. Luigi, un Italien décédé en 2015, qui, par amitié, aida matériellement l’association durant ses trois premières années.
L’association, comme me l’a expliqué Jean-Louis de son vivant, a fourni un travail colossal dans le nettoyage et le débroussaillage dune partie du cimetière. Il a fallu évacuer environ 150 remorques de tracteur remplies de débris et broussailles. Le deuxième chantier réalisé avait un caractère social : il s’agissait de la remise en état du logement du gardien marocain. L’habitat précédent, construit au temps du Protectorat, était en piteux état et ne garantissait pas une vie saine à la famille qui y vivait. L’association a donc, en accord avec les autorités de la ville, procédé carrément à sa démolition et à sa reconstruction. Accolé au logement, il a été aussi construit un poulailler que le gardien utilise à ses fins personnelles.
Après cette étape nécessaire, Jean-Louis, en accord avec les membres de l’association, eut l’idée d’utiliser la partie vide du cimetière en plantation de légumes.
Le cimetière européen d’El Jadida est un pan de l’histoire de cette ville et du Maroc. Car c’est un ancien cimetière marin dont les premières tombes datent des débuts du Protectorat. On y trouve des Européens surtout mais aussi quelques Américains. Y sont enterrés des Français, des Italiens, des Espagnols, des Anglais, des Polonais, des Allemands, des Arméniens, en plus de quelques Africains qui étaient soldats de l’armée française.
Une anecdote me revient : un matin chaud de la mi-mai 2016, j’étais allé à la rencontre de Jean-Louis, je savais qu’il devait marcher dans les allées du cimetière. Quelques oiseaux chantaient sur les arbres. Nous étions en train de choisir un endroit pour nous asseoir quand Jean-Louis me dit d’un ton plaisant :
Mettons-nous sur les têtes de mes parents, ils ne diront rien.
Nous nous sommes alors assis sur le marbre du caveau des Jacquety à l’ombre du feuillage. Soudain je vis le visage de Jean-Louis prendre un air de sérieux et il me dit en me montrant du doigt le caveau familial : « Je suis arrivé à un certain âge et je vais bientôt rejoindre mes parents ici mais j’ai un chagrin : je ne trouve pas de relève pour me remplacer à la tête de l’association ».
Il consulta plusieurs personnes et la relève fut assurée par M. Jean Claude Fouché… La vie continue.
jmahrim@yahoo.fr
Chronique de Mustapha Jmahri : Le Mazaganais Jean-Louis Jacquety nous a quittés
