À El Jadida, sur l’avenue Moulay Abdelhafid, ancienne avenue du commandant Lachèze, se trouve la belle bâtisse de la famille marocaine les Znaty. Baptisée « Maison Znaty », cette demeure urbaine à un étage sous terrasse, vraisemblablement d’inspiration européenne est composée d’une quinzaine de pièces. Sa toiture est faite en bois d’Amsterdam.
En 1994, accompagné d’une ancienne famille mazaganaise, j’ai pu visiter cette maison. Fortunée Znaty nous avait reçus avec thé et gâteaux. Après le décès de ses parents et de ses frères, Fortunée était restée la dernière dans leur domicile en compagnie de son assistante marocaine musulmane. C’était comme disaient certains, la dernière des Mohicans à El Jadida. Leur voisin Abdellah Bettioui écrit dans un commentaire : « Fortunée est la dernière à nous quitter. Elle est décédée à Casablanca en août 2010. Leur maison est maintenant close depuis des années déjà ».
Son père, Simon Znaty, le bâtisseur du bâtiment, était grand commerçant, exportateur d’oeufs, et possédait un entrepôt dit « Fondouk Znaty » sur la route de Marrakech. Il était en outre vice-président du comité de la communauté israélite de Mazagan. Décédé à El Jadida en 1959, sa maison fut bâtie en 1913 comme l’indique la date au-dessus de la porte d’entrée. Aimée Znaty, ancienne de Mazagan, note l’existence de constructions avant cette date. La maison était destinée à abriter la famille nombreuse des Zanty composée de onze enfants. Outre l’épouse Julie Znaty, la famille comptait Esther, Simy, Hilda, Paulette, Isaac, Judah, Salomon, Joseph, Elie et Fortunée.
C’est dans cette maison qu.a vécu Esther Znaty, la mère du psychologue Mony El Kaïm. Dans sa jeunesse, ce dernier passait ses vacances d’été dans cette maison, chez ses grands-parents maternels. Sa mère fut enterrée à El Jadida où elle vécut longtemps après le décès de son mari. Lorsque sa tante, Fortunée Znaty, résidait à Casablanca à la fin des années 1990, Mony se rendait fréquemment auprès d’elle.
Simon Znaty n’est pas à confondre avec Abraham Znaty qui résidait dans la cité portugaise. Ce dernier était cambiste et représentait une société allemande. Son nom fut donné, à ce jour, à une ruelle de la cité portugaise. Il y avait en fait, à El Jadida, plusieurs familles Znaty sans lien de parenté entre elles. À noter que dans d’autres villes du Maroc, la graphie du nom est également Zénaty, dorigine berbère.
Bâtie en retrait par rapport à la rue et précédée d’une petite cour fermée, la Maison Znaty d’un style andalou est connue pour sa façade bien ordonnancée non loin du château Buisson. Le balcon central en fer forgé sert en même temps d’auvent à la porte d’entrée du rez-de-chaussée. L’entrée coiffée d’un arc en plein cintre sous entablement se trouve entre deux
pilastres. Le Bulletin Officiel n°363 nous révèle d’autres détails : en particulier, que Simon Znaty avait demandé l’immatriculation de cette maison de 275 mètres carrés en juillet 1919 après l’avoir acquise d’Isaac Hamou, propriétaire terrien bien connu à Mazagan au début du XXe siècle. Simon Znaty avait réaménagé la bâtisse ou l’avait reconstruite ce qui est le plus vraisemblable.
La bâtisse intègre quelques éléments significatifs de l’architecture islamique mais elle est plutôt d’une architecture d’influence ibérique. Car on ne retrouve aucune caractéristique architecturale comme les arcs en fer à cheval, ou polylobés. On constate également l’absence d’ornement typique, des arabesques ou autres motifs géométriques sculptés dans le stuc ou le carrelage.
L’architecte Adnane Bendriss précise que « la maison Znaty est typique des habitations ibériques des immigrés espagnols, portugais, italiens, grecs ou maltais qui ont constitué le peuplement en faveur de la colonisation durant les années 1910-1935 » (courriel du 15 août 2024).
La même façade, à ordonnance symétrique axiale, à trois travées, se retrouve dans quelques villes du Portugal, d’Espagne et d’Italie. Avant même la colonisation, il était possible de voir les ancêtres de ces frontons qui marquent les portes d’entrée des maisons à Azemmour par exemple. Ces portes marquent le « standing » de la maison et de ses occupants sans montrer l’intérieur. Dans le cas de cette maison, en plus du fronton, les hautes fenêtres sous arcature sont ouvertes et fermées par des persiennes en bois. Les fenêtres et la ferronnerie du balcon remontent à la période du Protectorat. À cette époque, l’administration avait instauré des obligations d’urbanisme comme les toits plats et les balcons sur rue. Ce type de bâtiment était relativement fréquent dans tout le Maghreb….
Elie Acoca, ancien voisin, précise que sous les escaliers, il y avait un Mikve : un petit bain qui sert aux ablutions recommandées par la religion juive.
Passant récemment devant la maison, j’ai pu constater que les signes de vieillissement de la demeure sont devenus évidents. Il est difficile de distinguer l’état des enduits qui semblent encore tenir leur rôle protecteur. Mais, il serait nécessaire d’intervenir pour la rafraîchir en préservant sa personnalité et en respectant les matériaux et techniques d’origine (chaux, sable, badigeon) et les teintes naturelles avec ce jeu polychrome subtil et élégant.
Jmahrim()yahoo.fr
Cher Mustapha, bonjour.
J’espère que vous allez tous bien.
A travers vos articles ,je me replonge avec délice dans EL JADIDA.
J’ai tellement de souvenirs qui resurgissent.
Merci
Mustapha est la mémoire vivante de notre ville
Remercions le , et encourageons le pour poursuivre ces recherches de mémoire
Yves