Par : Rachid Hamrarras
D e tous les mets traditionnels marocains, la préparation de la tanjiya marrakchiya reste l’un des grands défis à relever quand on n’est pas né marrakchi et quand on n’a pas hérité du savoir faire nécessaire de ses parents !
Ce plat mythique et exclusivement marrakchi est un délice qui exige une certaine expertise, ainsi que les ingrédients incontournables à sa préparation.
Dans la préparation de la tanjiya, tout est important. De la Qalloucha (l’ustensile), au temps de cuisson, en passant par la fraicheur des ingrédients, la qualité de la viande, etc.
Tout doit être fait, si ce n’est « exécuté », à l’ancienne et selon un « rite » bien précis.
Une Qalloucha (ustensile en terre cuite en forme de
A propos de la viande, disons que chacun ses goûts, mais moi je choisis presque toujours un mélange du collier (3angra) ou, à défaut, des morceaux de jarret de veau et d’agneau. Le mélange des viandes d’agneau et de veau (ou de bœuf) permettent à vos invités qui préfèrent l’un sans l’autre de profiter pleinement de ce plat inégalé. Sans oublier le mélange goût que cela confère à votre recette.
Quant aux ingrédients de la tanjiya, s’ils sont importants, il y en a un dont la qualité doit être infaillible : le smen (beurre rance).
Le citron confit (hamed msayar ou hamed mrakkad). Il s’agit de fendre les citrons en quatre (du haut vers le bas), sans les couper entièrement, les emplir de sel, les mettre dans un bocal en verre, sceller hermétiquement le bocal et le mettre à l’abri de la lumière. Au bout de quelques jours les citrons libéreront leur jus et c’est ce dernier, imbibé de sel, qui va confire les citrons. Cela peut prendre des mois avant que le citron devienne brun et d’une saveur exceptionnelle.
L’huile d’olive, le safran, l’ail et le poivre, sont disponibles à peu près partout.
La réparation :
Tout en chantant des louanges au prophète (SAW) :
Mettez 1 kg de viande dans la Qalloucha,
Ajoutez 1 citron confit (découpés grossièrement à la main).
- 100 ml d’huile d’olive extra vierge,
- La moitié d’une cuillère à café de safran,
Mettez une cuillère à soupe de smen (beurre rance),
3 gousses d’ail hachées,
Une càc de poivre noir,
Du sel (au goût),
Fermez hermétiquement la Qalloucha ou la cocotte en terre cuite,
Secouez bien le tout pour que la viande soit bien imprégnée des ingrédients.
Remarque : Certains mettraient un oignon râpé et une pincée de Rass El Hanout. Moi je n’en mets pas.
La cuisson :
La Tanjiya doit absolument être cuite à feu très doux.
Si vous disposez d’un foyer (cheminée), mettez-y la tanjiya lorsque le feu s’estampe et qu’il ne reste du bois que la braise et la cendre. Enterrez-la soigneusement et laissez mijoter pour une heure, avant de la secouer pour obtenir une cuisson homogène de la viande. Refaites le même geste au bout de chaque trentaine de minutes.
Si vous ne disposez pas de cheminée, emmenez- là au Four du Bain maure de votre quartier (Farnatchi). La cuisson peut prendre jusqu’à 08 heures. Tout dépend de la tendreté de la viande, du mode cuisson, et de la température à laquelle la tanjiya serait exposée.
Remarque : Il est important de surveiller la cuisson et de remuer les ingrédients en secouant l’ustensile. Autrement la viande brulerait en collant aux parois.
Comment savoir si votre tanjiya est réussie ?
Une tanjiya réussie se reconnait facilement à la tendreté de la viande, qui une fois bien cuite, fond littéralement dans votre bouche.
Elle se reconnait également à l’odeur qui laisse personne indifférent.
Une bonne tanjiya, faite dans les règles de l’art, est également reconnaissable à son gout sans pareil. Les connaisseurs la reconnaissent en faisant confiance à leur mémoire gustative et en la comparant à celles qu’ils ont l’habitude de déguster des mains des grands maitres en la matière.
Vous êtes, maintenant, initié au « rite sacré » de la préparation de la tanjiya. Il ne vous reste qu’à retrousser vos manches et à refaire inlassablement la recette, pour devenir, au bout de quelques années et avec beaucoup de pratique, « Maitre es Tanjiya ».
N’oubliez pas de faire profiter votre famille, vos voisins et vos amis d’un délice qui fait partie du patrimoine culinaire ancestral marocain, car « ne mange seul que le tambour ! », dit le vieil adage marocain. Ceci revient à dire que la cuisine marocaine est une cuisine de partage. Alors, faites des heureux autour de vous.