Par: Abdellatif Cherraf
Nostalgie pour moi, ne veut pas dire uniquement, mal du pays, tristesse, mélancolie, mais tout simplement souvenirs d’enfance.
Comme des mouches, en cette période de convalescence, mes souvenirs de la grande enfance, voire d’adolescence, voltigent autour de mon espace d’alité, m’interpellant pour parler de la halqa disparue à jamais de ma ville mais, peut-être, toujours vivante dans les souks ruraux dont celui de Moulay Abdellah, exception faite durant la période du moussem ! Et pourtant, vous n’êtes pas sans savoir que la halqa est l’origine du théâtre !
Les halqas se formaient suite à l’appel d’un ou de plusieurs de ses animateurs, géographiquement parlant, dans les moussems environnants de Sidi-Moussa et Moulay Abdellah. Le premier n’existe plus ; le béton l’a tué ! Le second compte parmi les plus grands du pays. Et c’est là, uniquement là qu’on peut faire découvrir la halqa à ses enfants. J’en parle parce que c’est là, justement, que j’ai vu, le fameux dompteur d’âne Hazoute, dont le numéro consistait, tantôt à faire fumer une cigarette à l’âne, par le nez, tantôt à lui ordonner de se coucher et faire semblant d’être dans un profond sommeil…
Bien sûr, qu’il y avait d’autres hlaqis à Moulay Abdellah, mais celle de Hazoute était ma favorite. D’abord parce que c’était un numéro qu’on ne pouvait suivre qu’à Moulay Abdelah et que les thèmes des autres Halqas, on pouvait les trouver à El-Jadida. Précisément, au souk laqdime, face aux vendeurs d’épices (attaras) où vivaient quelques arbres, offrant de l’ombre aux badauds et aux gamins téméraires des places de choix pour suivre les différents spectacles ! Les autres espaces on l’on tenait des Halqas, se trouvaient place Bouchrite, sous l’ombre du vieux et grand arbre, encore là, du reste.
L’ancienne place (proches) des 3attara en face de la cité portugaise
Heureusement pour tous ces travailleurs à la tâche (journaliers) qui se rassemblaient là, en attente d’un boulot providentiel!
Bouchrite
Le troisième coin où se tenaient ces Halqas se trouvait à côté du marché de gros (à l’époque) de Lalla Zahra… Chaque espace avait ses spectateurs.
Certains, pour régler leur compte, se donaient rendez-vous, place Attaras où la halqa avait pour spécificité des combats de boxe ! Là, nos jeunes pugilistes versaient une pièce de 20 centimes chacun à l’arbitre de la halqa, qui en était aussi l’animateur. Ce dernier, au fur et à mesure qu’il hélait les badauds, gantait les antagonistes, qui prenaient des airs de méchants. Un combat sur un ring en terre battue et en guise de cordes, un cercle de curieux fiers et heureux de découvrir le sport noble !
Jouxtant le cercle des boxeurs, le père et le fils Ben Mankar, tous deux armés de longs, fins, flexibles et résistants bâtons, en guise d’épée, simulaient une partie d’escrime, au grand bonheur des spectateurs… Les points sont marqués, en frappant la hanche de l’adversaire, protégée par une choukara. Il fallait voir, la dextérité de ces escrimeurs, la synchronisation de leurs mouvements, leur complicité dans le jeu et leur habilité dans le déplacement. Une vraie chorégraphie digne des grands danseurs ! On ne peut pas parler de Hazoute sans évoquer celui du grand Oueld Qarrade ! Le troubadour qui composait ses œuvres en langue Doukkali et faisant plier de rire sa fidèle clientèle de Lalla Zahra, en usant d’anecdotes dont lui seul en avait le talent de les créeer et les raconter.
Sa renommée fut telle, qu’un jour, il fut invité par le Roi, feu Mohammed V. Les mélomanes, en général, trouvaient la musique populaire à travers les trois pôles de la halqa. Cette musique n’était chantée que par des hommes dont certains se permettaient de se déguiser en « chikha » juste en portant une « dfina » et un foulard, la « taarija » sur l’épaule et la cigarette au bec, façon de montrer qu’ils sont des hommes (Qamama). Les « chikhate » quant à elles, n’étaient visibles, la majorité du temps, qu’aux mariages et aux moussems !
A l’instar de Qachbal et zeroual, il y avait le duo Dwaywe et Naânniâ…
Et pour tout ce qui est acrobatie, dompteurs de singe et gnaouis, les spectacles étaient souvent l’œuvre d’artistes arrivant de la place Jamaa Lafna de Marrakech pour passer l’été à El-Jadida. Ces derniers joignaient, l’utile, les numéros qu’ils offraient aux badauds doukkalis, contre un peu d’argent, à l’agréable, la fraicheur dégagée par l’océan.
Nainiâ