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Parmi les personnalités historiques qui avaient joué un rôle confus,où plus précisément, un double rôle, dans l’histoire de l’expansion Portugaise dans les régions de Doukkala et Abda:Yahia Outâafouft.Le rôle joué par cet homme était surtout visible,entre le mois d’août 1508 et le début de l’an 1518,date de son assassinat.
Qui est Yahia Outâafouft?
Son nom atteste son origine Berbère, il commence par(ou _او). Ce nom peut évoquer la filiation à une femme,( fils de Tâafouft) comme il peut signifier, aussi,l’appartenance à un village Tâafouft, au bord de l’oum Erbia,à 15 kilomètres
d’Azemmour que les Portugais avaient trouvé en ruine en 1514,ce qui montre aussi,son origine urbaine.
Avant la conquête Portugaise, Outâafouft vivait à Safi, il était, parmi les dignitaires de la ville, et membre actif dans un groupe de combattants.Par la suite, les documents Portugais ,nous le présentent comme un homme, qui vivait,au sein d’une grande famille ,avec plusieurs épouses et enfants, dont l’un d’eux, faisait l’objet de tractations entre Outâafouft d’une part, et les Portugais ainsi que les Wattasides, d’autre part. S’agissait_ il de le présenter comme un gage d’alliance et de fidélité d’Outâafouft à l’un de ce deux partis ?
En tout cas, ces mêmes documents, parlent d’Outâafouft gouverneur d’une ville, Sernou, qui lui était octroyée par les Portugais, comme un fief.
Dans quel contexte, ces derniers, avaient ils pu bénéficier de l’appui d’Outâafouft?
La concurrence Ibérique autour da la côte, longeant Safi et sa région dans les années 1498_1507, avait entrainé des troubles, dus aux luttes des chefs locaux alliés, à l’une ou l’autre puissance Ibérique. Outâfouft, on l’a vu, était l’homme des Portugais, ll avait autorisé certains de leurs commerçants, à construire, sur la côte de Safi, une maison fortifiée, comme dépôt de leurs marchandises. D’ailleurs, les Portugais l’avaient utilisée, par la suite, comme base de lancement de leurs attaques, qui avaient abouti à la prise de La ville, au début de1508. Une fois sur place, le chef de la flotte Portugaise, avait convoqué Outâafouft, et l’avait envoyé au Portugal où il séjournait jusqu’en 1511,après avoir bénéficié de la part du roi Portugais, d’une rente et de 20 esclaves, en plus, de la reconnaissance de son autorité sur la région de Safi . D’ailleurs, la ville elle même ne tardait pas à entrer sous son influence, sur requête insistante, des habitants de Safi, auprès du roi Emanuel Premier. Cette situation allait durer jusqu’en 1514,date à laquelle Outâafouft était rappelé à Lisbonne, pour tenter de mettre un terme, aux multiples différends, qui l’opposaient au capitaine de Safi, Nuno Fernández de Attaide. Il ne revenait que 22 mois après, losque le capitaine s’était éteint, avec la nouvelle fonction de caïd sur les Doukkala, après s’être engagé à se tenir aux obligations explicitées par le roi,en contrepartie de multiples avantages. D’ailleurs, sa fortune n’avait cessé de croître. Il avait même pu mettre en échec l’armée Wattaside au mois d’avril 1514,et se présenter aux habitants, comme un véritable sultan, avec une garde privée de 100 Mokhaznis, qu’il payait de sa propre fortune. Il avait même, un certain temps, le droit de nommer ses représentants locaux, appelés mokadems ou caïds, avant de se contenter du droit de proposition. Il avait même établi, un code pénal,i nspiré du droit musulman et des coutumes. Son autorité atteignait même les chrétiens, qu’il avait chassé de Safi, libérant à certains moments cette dernière ville. Par le biais des liens tribaux et l’utilisation de la force, il avait pu maîtriser Doukkala et Abda et même Chiadma au profit des Portugais. Il menait des expéditions punitives contre les tribus récalcitrantes, et les obliger à se soumettre aux Portugais, et payer les différents impôts, aidé en cela, par son audace et son expérience militaire. Il avait privé les Sâadiens d’étendre leur influence au delà du Nord de Tensift, et s’était dressé contre l’extension de l’autorité des Wattassides, les affaiblissant encore plus, et tout ceci, au profit des Portugais.
Les services rendus aux Portugais avaient atteint un niveau tel, qu’il avait des amis qui le protégeaient, au sein du palais royal du Portugal
Notons, à la fin, que YAHIA Outâafouft était au début, sûrement sous la pression populaire hostile à la présence étrangère, un opposant aux Portugais, et même, après avoir été nommé caid, il avait tenu tête à certaines recommandations de Lisbonne, il avait même dénoncé certaines pratiques esclavagistes Portugaises dans la région de Doukkala. Cette conduite avait attiré le mécontentement de la caste militaire Portugaise de la région, ainsi que certains juifs influents(Ben Zmirou) , situation qui l’avait mise dans un embarras total, car aux yeux des autochtones, sa traîtrise ne faisait aucun doute, et pour l’autorité de Lisbonne, remontée contre lui, par les manigances des capitaines et des juifs, la méfiance était de mise. D’ailleurs,il avait exprimé son désarroi dans une lettre qu’il avait envoyée à un ami Portugais(…Les musulmans disent que je suis chrétien, et les chrétiens disent que je suis musulman…je ne sais quoi faire!). Tout ceci exprime une crise de conscience, et un désarroi qui avaient précédé son assassinat le 16 Février 1518,d’ailleurs, on ne possède aucune information sur les derniers mois de sa vie.
Inspiré de: Mustapha El Bounani »YAHIA Outâafouft, entre l’ambition politique et les visées expansionnistes Portugaises dans la région de Safi » paru dans un ouvrage cité précédemment ( voir l’article intitulé: Histoire des juifs de Safi: l’épisode de la mission Montefiore….
M’hammed Beddari (historien originaire d’El-Jadida)