Rassembler une trentaine de personnes : élèves, professeurs, accompagnateurs, outre l’invité l’écrivain Fouad Laroui et l’universitaire Bernadette Rey Mimoso-Ruiz, auteure du livre « Fouad Laroui, écrivain sans frontières », pour une excursion, effectuée en septembre 2022, dans le Maroc profond, l’idée est on ne peut plus géniale et originale à la fois. L’excursion en elle-même est venue en récompense aux élèves ayant participé au concours « Lecture-écriture autour de livre de Fouad Laroui ».
La réalisation du projet est le fruit de la concertation de trois présidents d’associations de la province de Béni Mellal qui l’ont menée à bon terme : Abdelmajid Mekayssi, universitaire et président de « l’Association des Amis de Fouad Laroui », Mohamed Bahi, universitaire et président de l’association « Oralité, Conte pour l’Amitié, le Dialogue et le Développement (OCADD)» et Tarik Hbid, président de l’Association provinciale des affaires culturelles, sociales et sportives de Fkih Ben Salah.
L’expérience a commencé quand des enseignants de français de la région de Béni Mellal ont fait lire à leurs classes respectives des œuvres publiées de Fouad Laroui. Puis ils ont demandé à leurs élèves de produire, à leur tour, des textes en s’inspirant de l’auteur, en faisant des changements de point de vue, ou encore d’opter pour une analyse à partir d’un de ses textes. Le comité d’organisation a laissé libre cours à l’expression des élèves en se contentant de ne reprendre que les fautes de langue, les redondances et les défauts de cohérence.
Au final, les productions de 15 lycéennes et lycéens de Fquih Ben Salah, Souk Sebt ouled Nemma, Béni Mellal et Khouribga ont été sélectionnées par un comité de lecteurs. Afin de valoriser leurs efforts, le comité d’organisation du concours récompensa les gagnants en leur offrant une excursion dans la vallée des Aït Bouguemaz, au coeur du Haut Atlas central.
Selon la fiche de présentation : « L’intérêt de l’expérience est de mettre en évidence le lien entre lecture et écriture. Sous la plume des grands écrivains, les mots, les phrases et les paragraphes ne coulent pas de source mais sont le fruit d’un grand labeur en amont dont la première activité n’est autre que la consommation des écrits des autres. Les écrivains sont d’abord et avant tout de grands lecteurs. On a tendance à oublier cela car on ne voit de l’écrivain que le résultat final, corrigé et bien agencé, peut-être aussi lu et relu par un regard neuf, celui de l’éditeur entre autres. Ensuite bien entendu, viennent tout le savoir-faire de l’écriture et l’art de raconter ».
En plus de mettre en relation la lecture et l’écriture, cette épreuve pédagogique ambitionnait de permettre au jeune écrivain, qui a toujours réfléchi sur les écrits d’autrui, de réfléchir sur sa propre production. Il n’écrit non pas, principalement du moins, pour que sa production soit corrigée et notée, mais pour qu’elle soit éditée et publiée. Quoi de mieux donc que d’être accompagné en excursion par l’écrivain lui-même, dans le cas d’espèce Fouad Laroui, en chair et en os. Excursion, qui plus est, dans une belle région du Maroc profond, Aït Bouguemaz, la Vallée heureuse, que Fouad Laroui, comme il me l’a révélé, n’y avait jamais mis les pieds par le passé.
Pour les participants, de même que pour les accompagnateurs, c’était aussi une façon d’aller à la rencontre des habitants de la Vallée des hommes heureux, appelée administrativement Tabant, premier et principal village de la vallée à 2.000 mètres d’altitude. Un foyer riche en cultures anciennes ; en témoignent le site des gravures rupestres à Tizi n Tirghist, les mythes et légendes, les traces des dinosaures, le grenier collectif de Sidi Moussa restauré par l’Unesco, les édifices en pisé et les flancs abrupts entourant des vergers de pommiers et de noyers. Des lieux singuliers habités par des montagnards semi-nomades détenteurs d’une culture et de traditions séculaires. C’était aussi l’occasion propice de visiter le musée Géoparc du M’Goun à Azilal qui abrite le dinosaure découvert il y a quelques décennies. Tout un trésor de notre patrimoine matériel et immatériel. Ce Géoparc, situé dans le Haut Atlas central, est le plus élevé et le plus vaste des grands ensembles montagneux du Maroc (4070 m).
Sur le chemin, à l’aller comme au retour, le groupe a pu apprécier la vue panoramique sur le lac et le barrage de Bin El-Ouidane, construit au tout début des années 1950. Édifice majeur conçu par l’ingénieur André Coyne. L’éclairage historique fut assuré, sur place, par un connaisseur de la région, Salah Amraoui, enseignant originaire de la localité de Ouaouizeght qui y a travaillé pendant une vingtaine d’années.
Pour joindre l’utile à l’agréable, les trois jours de l’excursion étaient meublés par trois activités : lecture, écriture et découverte de la région en présence de l’invité Fouad Laroui de telle sorte que les jeunes pouvaient s’en inspirer pour leurs futures productions. A la fin de chaque journée dans le gîte Dar Itrane, Fouad Laroui conversait avec les candidats et répondaient à leurs questions sur la littérature en général et les façons d’écrire en particulier. L’universitaire Bernadette Mimoso-Ruiz, professeure à l’Institut catholique de Toulouse, qui a participé à la correction des épreuves des candidats donna son avis sur la qualité des textes présentés et encouragea leurs auteurs à continuer cet effort d’écriture. Ces échanges se passaient tout en découvrant l’autre aspect culinaire de la région à travers les produits du terroir : pain céréales, miel, huile d’olive ou de noix, fromage de vache et tagine de viande de chèvre.
Côté logistique, toutes les conditions furent réunies pour permettre aux lauréats du concours de découvrir leur pays et d’apprécier ses atouts naturels, géographiques, historiques et humains.