De cet artiste, feu Driss Chraibi a dit un
jour : « Ces toiles sont le fil tenu d’une naissance continue, de lumière et
d’azur. On voudrait que rien ne ternisse, que rien ne vieillisse, que jamais
rien ne meure. Ce sont des tableaux qui vous parlent et qui chantent ».
Abdelkebir Khatibi quant à lui, trouve que : « Derrière une
représentation géométrique et abstraite, le peintre interroge la couleur avec
une tonalité ni froide ni chaude, mais mesurée et rythmée. Rythme progressif,
avançant par touches émotives presque cachées, mais subtiles ».
Abdellah Dibaji est un artiste qui nous transmet les rumeurs de la ville, ses
mouvements, ses lumières, multipliant les plans en autant de séquences
spectaculaires.
Portes, fenêtres, rues et surtout cette foule humaine omniprésente évoquent ses préoccupations, et nous laissent entrevoir l’autre face de la réalité, celle que nous occulte le quotidien.
Une palette de couleurs fortes et denses, des
touches tantôt vives, tantôt adoucies ; toujours délicates ;
soutenues par un graphisme conséquent et qui font de chaque toile une œuvre
forte, dénuée de tout pittoresque.
Dibaji est un artiste qui parle peu. Et quand il le fait, il faut savoir
lui prêter l’oreille. Écoutons-le
– Et si on vous demande de nous parler de votre style pictural ?
Je ne suis ni peintre abstrait, ni figuratif, mais la production de plusieurs
tendances et le fruit de plusieurs années de travail et de quête inlassable de
la perfection. C’est ça qui me stimule et me donne le punch nécessaire pour
continuer, car le progrès de tout artiste, dépend de sa grande capacité de
travail, de sa patience, de sa passion… Des facteurs qui donnent cette
envie de reprendre une même chose plusieurs fois de suite, sans jamais se
lasser, ni se décourager, jusqu’à atteindre les résultats escomptés.
Mais cette recherche est surtout celle d’un
horizon. Une fois ce but atteint, je me mets en quête d’autres, dans une
aventure infinie.
– Lorsque vous commencer une toile, avez-vous une idée préconçue sur
son aboutissement final ?
Dans mes œuvres, je cherche dans l’acte de peindre, ce geste « spontané » qui
serait un prolongement de ma pensée, comme si l’expression de mon
questionnement devait passer par le corps, mon corps. Il y a une certaine
osmose, une certaine symbiose entre ma toile et moi. C’est une agréable
symphonie interactive et dont je reste conscient tout au long de sa
composition. Spontanéité qui ne signifie nullement improvisation, mais
superposition logique de couches, de touches et de couleurs chargées de
sincères émotions. C’est donc, un ensemble de couches et de touches que
j’étudie avant de commencer ma toile. Chacune doit respecter les priorités qui
sont siennes et chacune doit trouver la place et la couleur qui lui
conviennent.
– Après une si longue absence de votre ville natale, qu’est ce qui
explique ce retour aujourd’hui ?
Ma dernière exposition à El-Jadida, remonte à 2007, lors d’un certain hommage à
Driss Chraibi. Depuis j’ai été dégoûté par le manque d’ambiance et d’animation
culturelle qui régnait à l’époque sur la ville : manque de galeries,
d’encouragements … D’ailleurs, lors de ce même hommage, j’ai du exposer dans
une simple salle de l’ORMVAD (Office Régional de la Mise en Valeur de
l’Agriculture à Doukkala).
Aujourd’hui, si ce n’est pas l’idéal, les choses ont beaucoup évolué. La
ville s’est presque métamorphosée, en très peu d’années. On y
trouve un plus grand nombre d’amateurs d’art, de galeries…
En parallèle, il y a aussi tous ces amis d’enfance et grands amateurs
de l’art, qui viennent à leur tour de rentrer au bercail et auprès desquels
j’ai envie de passer un peu plus de temps.
– Votre mot de la fin ?
Je suis optimiste, je vois des horizons qui se dégagent dans le futur. Il y a
une modernité en devenir. Les jeunes talents doivent se mettre à l’œuvre.
Biographie :
Abdellah Dibaji, est né en 1952 à Azemmour, mais vit et travaille à El-Jadida.
Il a fait ses études à l’école des Beaux-arts de Tétouan, avant de les terminer dans celle de Liège en Belgique.
Dibaji expose régulièrement depuis 1970 au Maroc comme à l’étranger et son travail a été primé plusieurs fois, notamment en 2002 où il a obtenu le prix de la découverte, décerné par la ville de Marseille.
Abdellah Hanbali