Docteur Mohammed Jawad Hassar est une personnalité connue et reconnue de la ville El Jadida et certainement dans d’autres villes du Maroc, notamment celles où il a exercé la médecine auparavant : Beni Mellal, Casablanca et Marrakech, ainsi qu’à Salé, ville d’origine de sa famille. Leur origine lointaine remonte à l’Andalousie avant que la famille ne regagne Ceuta au temps où la dynastie des Mérinides régnait sur le Maroc entre le 13e et le 15e siècle. Après l’occupation de cette ville par le Portugal en 1415, les membres de la famille Hassar rejoignirent Tétouan, Tlemcen, Fès et Salé.
Une longue lignée d’Oumana
Le patriarche de la famille, Haj Kacem Hassar, a exercé la fonction d’Amine dans plusieurs ports du Maroc. À l’époque, l’amine (pluriel oumana), était le chargé de la gestion et du contrôle des douaniers au port. Ses descendants exerçaient également comme oumana dans les ports marocains au temps du Protectorat et bien avant. Son fils Haj Abdellah Hassar occupa la même fonction au port de Larache au temps de Sidi Mohammed ben Abderrahmane (1810-1873), puis au port de Safi et ensuite à Casablanca. Il eut comme enfant Maâti ben Haj Abdellah Hassar. C’est ce dernier qui inaugura la première relation de la famille avec la cité d’El Jadida où elle fera souche. Au début du 20e siècle Maâti Hassar, qui était commerçant en thé, café et sucre, fut désigné amine au port de cette ville en 1906. Il occupera également les fonctions de nadir des habous à Salé et Safi.
Docteur Mohammed Jawad, digne héritier de la famille, est le fils de Haj Abdeslam Hassar. Il naquit à Casablanca en 1951 au numéro 29 de l’avenue Mohammed V (ancienne avenue Général Drude). Leur appartement se trouvait juste au-dessus du passage Sumica. C’était alors les années du Protectorat, mais la famille n’allait pas tarder à regagner El Jadida, ville d’origine de sa mère Salima El-Khatib qui n’était autre que la fille de Haj Omar El-Khatib et de Lalla Meriem El Guebbas, Grand vizir au temps du sultan Moulay Hassan (1836-1894).
Son père Haj Abdeslam Hassar, comme beaucoup de gens de Salé, était membre du parti de l’Istiqlal. Arrivant à El Jadida, il occupa momentanément un logement appartenant au caïd Belkouch, qui était exilé de Safi par les autorités françaises. Il fera, par la suite, l’acquisition d’un grand logement, construit par un Portugais, au numéro 29 rue de L’Oise au quartier Derb Ghalef, à El Jadida. Cette demeure familiale fut vendue par les héritiers Hassar en 1986.
Haj Abdeslam était le fils de Haj Mohammed ben Abdellah ben Kacem ben Lahcen Hassar (1910-1936) qui était l’amine des oumana au port de Salé. Son père Mohammed Hassar était l’une des figures du nationalisme marocain. Il était aussi journaliste dans la presse nationale et étrangère. Né en 1910, il publiait ses articles dans le journal « L’Action du Peuple » en français et envoyait aussi des textes au journal « Al-Hayat » du leader nationaliste Abdelkhalek Torres. Il dirigea, par la suite la revue « Majallat al-Maghreb » qui était publiée par l’Algérien Mohammed Essalih Missa. Il décéda en 1936.
Haj Abdeslam Hassar, le père de Mohammed Jawad, alors khalifa, fut désigné le 18 mars 1944 membre de la Commission consultative relative à l’économie, créée par décision du 6 mars 1944. Sa première réunion fut présidée par le Résident général le 22 mars 1944. Il fut nommé khalifa en 1955 puis caïd de la tribu des Ouled Bouaziz Nord dans les environs d’El Jadida. Sa fonction prendra fin le 31 décembre 1964. Il décéda à Rabat en 1986 et fut enterré au cimetière Achouhada.
Les enfants de Haj Abdeslam Hassar, nés à Casablanca, étaient tous des lettrés : Sa fille Saliha était dermatologue et Aziza, professeure et auteure, quant à Joudia Hassar, épouse du général Housni Benslimane, était une archéologue renommée et ancienne directrice de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP) à Rabat. Elle publia, en 1992, un livre remarquable « Le passé de la ville de Salé dans tous ses états ». Sous le même toit vivait avec la famille Rahma el-Hraiki qui avait fait sa scolarité à l’école Tahdib d’El Jadida et termina ses études en France. Docteur en céramique, elle était enseignante à l’INSAP.
Neveu et disciple de Khatib
Mohammed Jawad Hassar étudia au Lycée ibn Khaldoun d’El Jadida, mais il passa son baccalauréat à l’académie de Paris. Revenant au Maroc, il fit ses études de médecine à la faculté de médecine de Rabat qui forma l’élite médicale marocaine dans les débuts de l’Indépendance. Dirigée alors par le doyen Docteur Abdelmalek Faraj (ancien ministre de la Santé publique dans le premier gouvernement M’Barek Bekkaï), la majorité des enseignants était française. Mohammed Jawad reçut son diplôme de médecine le 10 octobre 1975 et quelques jours après, soit le 6 novembre de la même année il participa à la Marche Verte, lancée par SM Hassan II. Il fit sa spécialité en chirurgie en 1981 à l’université de Toulouse.
Docteur Hassar a exercé la médecine de 1975 à nos jours dans les secteurs public comme dans le privé. Il a notamment exercé comme médecin ou médecin-chef dans les villes de Beni Mellal, Marrakech, Casablanca et El Jadida. Sur le plan social, notre médecin est membre actif de l’Association des Doukkala et auparavant du Lions Club. Il est président-fondateur du Centre d’hémodialyse au sein de l’hôpital Mohammed V où, à ce jour, plus de 150.000 séances de dialyses gratuites ont été réalisées à des gens totalement démunis.
Son oncle maternel, le docteur Abdelkrim El-Khatib, premier chirurgien du Maroc indépendant, a joué un grand rôle dans sa formation pratique. Ce dernier était son mentor en chirurgie dans sa clinique Dubois Roquebert, rue d’Alger, à Rabat. Pour la petite histoire, docteur Mohammed Jawad Hassar nous a révélé un fait dont il a été témoin : « Le jour du putsch avorté du 10 juillet 1971, mon oncle Docteur Abdelkrim El-Khatib fut touché par une balle entre les cuisses. Arrivant à la clinique en urgence, tout en sang, j’ai donc dû pratiquer mon art, avant l’heure. Avec Hajiba, la sage-femme, j’ai nettoyé sa plaie et lui ait fait un pansement compressif et hémostatique. Et, alors qu’on lui préparait une chambre pour l’hospitaliser, on entendit le vrombissement de sa voiture qui sortait du garage, il était sorti, sans nous avertir, pour aller rejoindre Sa Majesté. Cette balle, il l’a gardée toute sa vie car scientifiquement toute opération pour l’enlever pouvait présenter un vrai risque au niveau de son appareil urinaire ».
Mohammed Jawad Hassar, suivant la tradition familiale, a consacré sa vie à servir son pays dans les domaines qu’il a investis. Il est le père de quatre enfants nés et ayant grandi à El Jadida, diplômés de grandes écoles françaises : Leila (Télécom Paris), Lalla Zhor (Mines de Paris), Aïda (Major de l’école Concordia dans les sciences économiques) et Abdeslam (E. M. Lyon).
Gardien du patrimoine familial
Aujourd’hui, directeur de la clinique Ibn Badis à El Jadida, qu’il a lui-même fondée, Mohammed Jawad est le gardien d’un patrimoine familial archivistique important constitué de dix paquets comprenant environ 400 divers documents, correspondances et livres en majorité de langue arabe laissés par son père Haj Abdeslam Hassar. Ces documents classés par chronologie comportent par exemple :
- Dahir du sultan Alaouite Mohammed IV de Tawkir wa Htiram des fils de Haj Kacem Hassar en date du 11 jumada at-tani 1285 H.
- Courrier du Résident général au Maroc Lyautey au Sieur Mohammed Hassar Slaoui.
- Courrier de la Résidence générale du 18 mars 1944 nommant Si Abdeslam Hassar membre de la commission consultative relative à l’économie.
- Plusieurs dahirs émanant du sultan Hassan 1er adressés à Haj Abdellah Hassar amine du port de Casablanca.
- Plusieurs dahirs du sultan Hassan 1er adressés à l’amine du port de Casablanca Haj Abdellah ben Haj Kacem Hassar Slaoui pour des sujets relatifs à la gestion de son administration. Le premier document porte la date du 10 jumada el-awal 1294 H (1877), le dernier 13 rabii at-tani 1296 H (1879).
- Une quinzaine de correspondances émanant de Hassan 1er (alors prince héritier) adressés à Haj Abdellah ben Haj Kacem Hassar Slaoui, amine du port de Safi sur des sujets relatifs à la gestion de la fonction. La première date du 4 rabii el-awal 1286 H (1869), la dernière du 5 chawwal 1289 H (1872).
- Autres dahirs relatifs à la gestion d’une fonction datant notamment de l’année 1294 H (1877).
- Quelques correspondances émanant de Ahmed ben Moussa Bahmad (ancien chambellan et grand vizir décédé en 1900).
- Notice en arabe sur les descendants de la famille Hassar de la ville de Salé et sur leur origine andalouse et qui se sont installés, par la suite, à Ceuta en l’année 700 H (1301). Ce document cite six oulémas de la famille.
Depuis des siècles, la famille Hassar a marqué l’histoire en offrant au Maroc et à l’Occident plusieurs figures célèbres, parmi lesquelles Abou-Bakr Hassar se distingue particulièrement. Mathématicien d’exception, il est à l’origine de la création de la notation mathématique symbolique moderne pour les fractions. L’essayiste Mouna Hachim lui a consacré une vidéo (numéro 25) dans sa série « Marocains dans l’histoire ». C’est dans les livres de ce génie du 12e siècle que l’on voit apparaître la barre de fraction entre deux nombres superposés.
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