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il ne fait que capturer un instant à l’insu de sa proie , pour éviter de se faire remarquer , à travers un regard fugace, qui n’a pourtant rien d’innocent, comme celui d’un adolescent timide …C’est un peu le clic d’un appareil caché sous le veston d’un paparazzi , le clin d’oeil de celui qui a le don de tout capter et tout mémoriser avant de prendre la fuite, afin de pouvoir fantasmer tranquillement dans sa solitude d’artiste, et jouir de son larcin en cachette et en liberté.
Tout est pris , volé, dans ce laps de temps : la position , le regard , les traits du visage et même l’état psychologique du sujet.
A. Bellabes exécute ensuite un jet indéchiffrable au début , une sorte de gribouillis , le crachat d’un poulpe . Il le fait les yeux fermés peut-être , tel un vomis pour se libérer , et vider sa mémoire. Puis il donne libre cours à ses doigts de magicien pour tenter d’étaler et appliquer son venin sur la surface du papier ou sur la toile . Ça dure combien de temps ? un instant ou une éternité ? même lui, il l’ignore.
Il tourne enfin le dos à son oeuvre , en la laissant brusquement , épuisé, mais rassasié, comme cet animal qui s’éteint après l’accouplement .
Le travail est fait , terminé et déjà oublié , on ne revient pas là-dessus, du moins pas avant un certain temps , et c’est au spectateur en quelque sorte d’en prendre possession.
L’impression qu’on a après avoir reconnu au premier contact et sans hésitation le personnage dessiné , c’est ce sentiment que le portrait n’est pas tout à fait achevé. On a envie de se saisir d’une plume trempée dans un encrier pour essayer de gratter les contours et mettre quelques couleurs, dans le but d’apporter ce qui semble manquer . Mais on se reprend tout de suite en prenant conscience qu’on tente d’achever l’inachevable , car le travail de l’artiste est bel et bien terminé et fignolé.
Quant à cette sensation de frustration qu’on a face au vides et au blancs , qui ne sont en quelque sorte que des silences , perçus par A. Bellabes au moment de son clic , elle se dissipe au fur et à mesure qu’on regarde l’œuvre, pour laisser place à de l’admiration .
C’est alors que notre âme d’artiste est surprise et secouée par une voix qui murmure poliment :
-Désolé, je ne fais pas de portrait-robot. Pour ça, allez voir ailleurs , ou si vous voulez une photo, il ya le studio du coin , ou, faites tout simplement un selfie avec votre portable.
Driss Tahi