La ville d’El Jadida s’est toujours montrée fière de son passé. Son riche patrimoine en est la meilleure illustration : cité portugaise, phare de Sidi Bouafi, théâtre Afifi, architecture du centre-ville, à l’instar de l’immeuble Cohen, la chambre de commerce…
Malheureusement, ce legs souffre d’une dégradation continue ; victime de la négligence, ou de ce qui s’en apparente à une démission collective des parties censées, à priori, tout faire et tout essayer pour le sauvegarder.
La cité portugaise, symbole de la cohabitation des trois religions monothéistes sur une terre d’Islam et bijou architectural, d’une valeur inestimable, de par ses remparts monumentaux, sa citerne splendide, son tracé urbain du XVIe siècle et sa valeur interculturelle, qui ont de tous temps fait d’elle un site grandiose et enchanteur, est en piteux état aujourd’hui.
N’oublions pas, que si ce patrimoine architectural et culturel a pu être préservé jusqu’à nos jours, c’est parce que nos ancêtres avaient pour souci majeur, la préservation de ce site, pour les générations futures. Ils avaient compris avant terme, que de tels monuments servent plus la gloire du Maroc que celle du Portugal et qu’un peuple qui ne vénère pas son histoire et son passé, sera toujours un peuple sans racines et sans véritable mémoire.
Voilà pourquoi, depuis le début du siècle dernier, différents dahirs et arrêtés relatifs à la protection de ce patrimoine ont été publiés au Bulletin officiel.
En 1992, la circulaire n° 73 du 30/12/1992 du Premier ministre appelle les autorités concernées à l’application de la législation sur la conservation des monuments et des sites historiques et à une protection plus efficace du patrimoine culturel.
Or, les différents édifices de la cité sont toujours et à ce jour, dans un état délabré. La seule chose qu’on a pu réaliser dans cette ancienne ville, se résume en deux fameuses pissotières et une plaque commémorative de la date du classement par l’UNESCO !
Quant à l’intérieur de la citerne et des autres salles, dont les couvrements des espaces intérieurs sont assurés par des voûtes, les dégâts des attaques de « champignon » et de moisissure, sont visuellement apparents. Une conséquence des infiltrations d’eau de pluie. Pis encore, les murs de la citerne et des autres salles, ainsi qu’une partie des voûtes sont pénétrés de pluie et crevassés et la toiture est en mauvais état.
Par conséquent, ces terribles dégradations rendent des réparations indispensables. Et si ces dernières ne sont pas exécutées avec soin, c’en est fait du monument.
Ajoutons que des constructions anarchiques sont réalisées sur les terrasses. D’autres qui ne tiennent encore debout, que par on ne sait quel miracle, sont toujours habitées.
Mazagaô, ce musée de la révolution architecturale de la renaissance, est actuellement en danger : son état se dégrade de jour en jour en dépit des quelques occasionnels replâtrage.
Le constat est flagrant et Les responsables feront mieux de combattre sérieusement le risque de destruction et de dégradation dont souffre le site : la Porte des Bœufs, les Bastions et les divers bâtiments menacent de s’écrouler à tout moment. Leur perte représente autant un crime face à l’histoire qu’un véritable danger pour les citoyens qui habitent aux alentours.
Alexandre Alves Costa, membre de la faculté d’architecture de l’université de Porto a mentionné : «Il est souhaitable de rendre la dignité à certains édifices et à la cité en particulier, en vue de la reconnaissance de sa valeur interculturelle. Et il est indispensable de combattre le risque de destruction et de dégradation de plus en plus fort et irréversible …».
Il faudra donc commencer par le commencement et veiller à ce qu’aucune autorisation de construire ou de rénover ne soit plus délivrée sans l’avis des historiens et des services culturels.
Une vraie stratégie de restauration et de réhabilitation des monuments historiques de Mazagan doit être mise sur pied et appliquée à la lettre.
Mazagan doit être érigé au rang de priorité locale. Les générations, qui se sont succédé depuis 1769, ont su nous léguer ce site en parfait état. A nous d’en faire de même avec nos enfants.
De la sorte, la protection de cette cité devient un devoir de tout Doukkali, en hommage à ses ancêtres qui ont tant souffert sous l’occupation portugaise et aussi pour sa libération. Agir différemment serait une erreur impardonnable».
C’est vrai que Mazagaô a été classée patrimoine universel de l’humanité le 30 juin 2004 et qu’une grande fête populaire a été organisée le 27 septembre 2004 à cette occasion. Mais la fête à elle seule ne suffit pas pour sauver et réhabiliter Mazagaô.
La cité portugaise (Mazagan) s’élève probablement sur l’emplacement d’un ancien comptoir phénicien fondé au milieu du 5e siècle avant Jésus Christ et connu sous le nom de «Portus Rusibis».
Au début du 16e siècle (1502- 1503) les portugais s’installèrent sur un petit château en ruine, appelé, « Borj Cheikh».
Entre 1502 et 1513, les portugais ont décidé de construire Castello Real (le château de Mazagan) à l’emplacement de l’actuelle citerne. Ce n’est peut être qu’en 1514 que la construction d’une muraille externe à tours saillantes devint une nécessité.
Les travaux de construction de «Mazagan» ont été dirigés par les architectes Francisco et Diego de Arruda et de l’Italien Benedetto di Ravenna.
La forteresse fut isolée de la terre ferme par un fossé dès 1517.
Dès 1537, la forteresse devint une vraie petite ville après l’agrandissement de la muraille et l’amélioration des travaux du port, des entrepôts, des magasins et des maisons d’habitation. Mais ce n’est que le 1er août 1541 que Louis de Loureiro, capitaine de la forteresse, fonda officiellement la ville au nom du Roi du Portugal. Une année plus tard, la ville était totalement refaite avec un aspect proche de l’actuel.
La cité portugaise a pris plus d’un nom. Elle s’appelait Portus Rusibis, Mazighane, Borj Cheikh, Mazagaô, El Mahdouma, El Medina, Mazagan et enfin El Jadida, nom donné à cette ville par le Sultan Alaouite Sidi Abderrahmane à sa libération.
Durant l’occupation portugaise, les Marocains n’ont cessé de mener des attaques pour déloger l’occupant ou carrément d’assiéger la forteresse de Mazagan à différentes époques (1525-1562 – 1756 et enfin 1769).
Le 4 mars 1769, Sidi Mohamed Ben Abdellah, présent sur les lieux aux côtés des militaires et des Moudjahiddines, venus de tous les coins du Maroc, y compris du Sahara marocain, ordonna le bouclage total de la ville. Comme les portugais se rendirent compte qu’ils ne pouvaient plus résister, ils quittèrent Mazagaô, le 11 mars 1769 après avoir miné quelques lieux de la ville. Le dynamitage a causé la destruction partielle de la ville et la mort de plus de 500 moudjahiddines.
La ville resta abandonnée pendant 30 années, jusqu’en 1820, date où le Sultan Sidi Abderrahmane autorisa son repeuplement par les musulmans, les chrétiens et les juifs.
Depuis, Mazagaô ou El Jadida, ville qui constitua un jour la frontière entre le christianisme et l’Islam, devint le symbole de la cohabitation des trois religions monothéistes et l’emblème du rapprochement interculturel.
Au XVIIIe siècle, après que des commerçants de toutes nationalités s’y soient installés, la ville a vu le rôle stratégique de son port, d’où étaient exportés vers Londres et Marseille en 1912 plus de 21.163 quintaux d’œufs “beldi” (est-il besoin de le rappeler), accroître.
Aujourd’hui, le budget d’une seule édition du festival Jawhara ou Malhounyat est à même d’empêcher une grande partie de la Cité portugaise de tomber en ruines, mais ceci… est une autre Histoire.
El Jadida Scoop