Hier je rentrais un peu tard chez moi, vers une heure du matin. Il faut dire que la fraîcheur du soir encourage à prolonger les veilles. Dans la rue, les boutiques sont encore ouvertes et même un salon de coiffure continue de recevoir des clients. Ce phénomène est courant chez nous. Il est impensable pour un Occidental. Chez ce dernier, avant une heure précise d’ouverture ou après une autre tout aussi précise de fermeture, il est impossible d’acheter une baguette de pain, un tube de dentifrice ou une boîte de lait, encore moins se faire couper les cheveux ou se faire servir un sandwich. Comment comprendre ce contraste (possible ici, impensable là-bas) autrement qu’en admettant que ce sont des phénomènes culturels et civilisationnels, souvent différents et associés à des valeurs elles aussi souvent différentes d’une communauté à une autre ? Cela ne doit, en principe, poser aucun problème, tout au plus, susciter l’étonnement ou l’amusement. Peut-on comprendre ces conduites opposées ? Oui. Elles réfèrent à deux valeurs différentes. En Occident, on donne la priorité au temps. En Orient, on donne la priorité à la vie. Peut-on leur faire changer de valeur, les juger ? Là-dessus je suis moins catégorique. Ce débat peut s’étendre à des phénomènes beaucoup plus subtils, beaucoup plus complexes, comme ceux qui sont associés à la notion de libertés individuelles. L’Occident tend à nous imposer son point de vue sur des questions qui nous sidèrent tels l’homosexualité (mariages homosexuels), tel l’adultère, tel le rapport à notre foi ou les peines pour certains crimes graves. Rappelons-lui que nous ne sommes pas des sauvages démunis de sentiments humains, démunis de bons sens ou réfractaires au progrès pour regarder notre attachement à nos valeurs comme un manque de civilisation. Nous avons une culture propre, des spécificités propres tout comme l’Occident a les siennes propres et il y a à côté le devoir du respect des différences.
Ahmed BENHIMA ( El Jadida Scoop)