À El Jadida, plusieurs fois, j’ai entendu certains critiques et squatteurs de cafés qui répétaient en leitmotiv dans leur discours : « El Jadida est morne, il n’y a pas d’activités culturelles ». Peut-être que cette affirmation était vraie il y a quelque temps mais plus aujourd’hui.
Comme acteur et observateur du fait culturel dans cette ville depuis trois décennies déjà, je m’inscris en faux vis-à-vis des adeptes de l’adage « ici c’est morne », alors qu’eux-mêmes ne contribuent par aucun effort pour que les choses s’améliorent. Le constat est là et on ne peut plus éloquent : ces deux dernières années, la ville d’El Jadida est devenue un centre culturel foisonnant qui n’a rien à envier à d’autres centres plus importants comme Casablanca, Rabat ou encore Marrakech. Il n’y a pas un mois qui passe sans activités culturelles ou artistiques lancées par les différentes associations et institutions et notamment la Faculté des lettres, l’Institut français, la Fondation Abdelouahed El Kadiri, le Centre des métiers de l’éducation et de l’enseignement, l’association Doukkala Mémoire, l’association des Doukkala, la Direction de la culture, la section des femmes écrivaines du Maroc, la Librairie de Paris, la Fondation Chouaïb Doukkali et bien d’autres organismes qu’il est difficile de citer.
Le problème essentiel, à mon humble avis, ne concerne pas l’organisation d’activités culturelles, ni leur récurrence mais plutôt le manque d’intérêt de la majorité du public jdidi et surtout le public visé : universitaires, enseignants et cadres du public et du privé. Un public moins au fait de cette culture très spécifique serait demandeur d’une culture plus «populaire » comme le cinéma, le théâtre et les concerts.
El Jadida a renoué avec son passé des années 1960 et 1970. À l’époque, la culture était très présente : le cinéma de Mme Dufour passait les derniers films sortis à Paris, le ciné-club dirigé par André Adigard des Gautries, le théâtre recevait de nombreux artistes : Daniel Sorano, Serge Reggiani, plus la compagnie théâtrale d’El Jadida qui avait repris, avec beaucoup de succès, la pièce « J’y suis j’y reste », sans compter l’orchestre de la 5ème flotte américaine qui s’était produit au théâtre municipal.
Aujourd’hui la culture ne concerne qu’une certaine catégorie. La question donc à laquelle il faut répondre est : comment drainer plus de personnes aux rencontres culturelles ; car, à El Jadida, ce sont presque toujours les mêmes qui suivent l’actualité culturelle locale. Un petit groupe de mordus (en moyenne une trentaine sur une population de plus de 200.000 habitants) alors que la cité regorge de milliers de potentialités exerçant à l’université, l’Education nationale, l’administration, la banque, la médecine, la pharmacie, le barreau et le secteur du privé en général. Sans oublier une multitude de représentants de médias locaux qui préfèrent évoquer des faits divers insignifiants plutôt que de couvrir les débats et échanges culturels.
L’autre élément qui pourrait, sans aucun doute, encourager les vrais créateurs de la chose culturelle à El Jadida à redoubler d’efforts, c’est de leur fournir l’aide nécessaire à la création, à la production et à l’édition. Car la plupart de ces personnes sont totalement ignorées au niveau des aides et subventions, elles se battent toutes seules, sans moyens adéquats, alors qu’elles rendent un service public à la communauté.
À noter aussi qu’El Jadida dispose d’une infrastructure suffisante et de qualité pour l’offre culturelle mais qui, malheureusement, n’est pas très exploitée. Certaines infrastructures semblent peu exploitées tel le complexe culturel OCP.
La culture a besoin du public et de moyens financiers. La culture ne peut vivre dans la pauvreté ni le dénuement.
jmahrim@yahoo.fr