Chronique de Mustapha Jmahri : La cafétéria abandonnée du parc Hassan II pourrait servir à Doukkala Mémoire


Faute d’archives et de documentation écrite, cet article se base notamment sur des témoignages d’anciens dEl Jadida qui ont connu la cafétéria du parc Hassan II dans ses différentes périodes et ses différentes affectations. Le lieu, en question, était au départ le café du terrain de boules Lyonnaise et s’appelait  » le clos de boules ».


L’ancienne cafétéria du parc Hassan II, ancien parc Spinney du nom de son premier propriétaire, est, depuis quelques années, dans une situation d’abandon et de dégradation inquiétante. Auparavant ce petit chalet en bois faisait partie de son paysage naturel du parc. Il a connu ses années de gloire et différentes affectations bien avant lère du Protectorat jusqu’à nos jours.
Jilali Derif, secrétaire général de l’association « Doukkala Mémoire », précise, quà l’origine, la cafétéria était en fait le bureau du vice-consul britannique Robert Albert Spinney qui faisait partie de son domaine personnel. Spinney sest installé à El Jadida pendant les années 1860, où il y créa son entreprise d’import-export Robert Spinney and Sons. L’entrée de la villa Spinney, (actuelle Cafétéria) se trouvait sur la rue des Oudayas, nommée à l’époque rue du Lieutenant Robert Eric Spinney, en hommage au fils cadet de Robert Albert Spinney décédé dans les combats de la Première Guerre mondiale.
Avec l’établissement du Protectorat, ce terrain fut utilisé comme jardin de séparation entre le Plateau (quartier de villas) et la ville basse. Plus tard, en 1930, la municipalité porta la superficie aménagée du parc à 40.000 m² et le baptisa du nom du Président français Paul Doumer. Cependant, malgré sa nouvelle appellation, les habitants continuaient à le designer du nom de son propriétaire d’origine Spinney et cela jusqu’aux années de l’Indépendance.
Récupéré par la ville au temps du Protectorat, le lieu s’appelait selon Jean-Pierre Guilabert « le Clos des boules ». Un club fut créé et s’inscrit à la Fédération française de pétanque. À l’indépendance la cafétéria fut louée à Jean Slowik (décédé en France en 1974). Ainsi le lieu devint le point de rencontre des amateurs de pétanque. Josette Slowik se rappelle que son père a tenu cette cafétéria pendant une douzaine d’années. Elle ajoute que ses camarades, élèves du collège tout proche, passaient toujours après les cours voir son père qui leur donnaient des menthes ou grenadines à l’eau (courriel du 8 février 2024).
Selon Philippe De Gaillande, un ancien de Mazagan, la cafétéria était assez fréquentée dans les années 1930 et notamment dans les années 1940 suite à la création du Club de boules des Doukkala. Il ajoute : « Mais l’endroit a fermé au début des années 1950 quand il fut reconverti en maison individuelle pour Armand Diaz, chef des égoutiers de la ville, et sa famille : son épouse et ses trois enfants Marie-Jeanne, Roger et Patrick. Cette famille quitta El Jadida vers 1958 pour aller à Sedan en France » (courriel du 7 février 2024).
Olivier Revole, un autre ancien de Mazagan et ancien proviseur, indique que ce local, dans les années 1960, fut intégré dans le club de boules lyonnaises (différent de la pétanque). Ce jeu se jouait avec des grosses boules sur des terrains limités. Il y avait quatre terrains. Olivier Revole précise : « Mon père était un fidèle joueur et tous les samedis après-midi je l’accompagnais. Il y retrouvait Yves Gicquel, Jean Slowik, Charles Abert et M. Belfakir, le père de mon copain Omar Belfakir. Des championnats étaient organisés et rassemblaient toutes les équipes du Maroc » (courriel du 6 février 2024). Joseph Amiel et ses jeunes camarades ramassaient les boules, nettoyaient et balisaient les pistes de jeux contre une petite prime qu’ils recevaient des joueurs.
La cafétéria fut ensuite louée par la ville à madame Marie Zanca tout en continuant de servir de club house pour les joueurs de boules. Certains habitués jouaient aussi aux cartes. Marie Zanca quitta ce lieu quand elle acheta le restaurant Panorama à Azemmour à la fin des années 1960.
Constatant alors la faible fréquentation du lieu, notamment par les boulistes, le local, selon un ancien du quartier, fut récupéré par la ville pour être utilisé comme bibliothèque municipale. Un employé y fut affecté, dans les années 1980, comme bibliothécaire permanent.
Mais, après l’inauguration, en avril 2007, de la médiathèque Driss Tachfini dans le même parc, le lieu en question devint, de nouveau, une cafétéria dont la gestion fut confiée à un particulier. Ce fut le point de rencontre de groupes d’étudiants et d’amoureux de la tranquillité et des chants d’oiseaux, jusqu’un jour où il fut abandonné et il tomba dans l’oubli. On ignore les raisons qui ont motivé ce nouvel abandon. La cafétéria dégradée, des parties du toit jonchent le parterre alors que la vue de l’extérieur, cachée par de longs roseaux, laisse entrevoir un visage de désolation.
Cette situation peut durer ainsi jusqu’à la décrépitude totale du lieu du fait de l’usure du temps et du passage des saisons. Mais elle peut aussi être meilleure si le local est confié à une association crédible capable de le faire revivre avec des activités publiques
Alors pourquoi ne pas le confier, sous un statut à prévoir, à l’association «Doukkala Mémoire pour la Préservation du Patrimoine ». Cette association dont le principal ressort est la sauvegarde du patrimoine à El Jadida et les Doukkala semble la plus indiquée pour lui rendre vie. Créée en 2019, cette association présidée par monsieur Abdelahad Fassi-Fehri, ancien ministre de l’Habitat, qui, avec madame Amina Bouraquia et Jilali Derif, trois mordus du patrimoine, ils oeuvrent inlassablement pour la sauvegarde du patrimoine local et régional. Un tel local abandonné, au milieu dun espace vert adéquat, est à même d’aider indiscutablement cette association dans l’exercice de ses attributions.
jmahrim@yahoo.fr

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