Chronique de Mustapha Jmahri : Quand l’âme de Saint-Exupéry plane sur la kasbah de Boulaouane

Dans le car de l’université Chouaïb Doukkali, lors du trajet retour de la kasbah Boulaouane vers El Jadida, ce vendredi 8 mars 2024, Gérard Chalaye et moi-même avons été impressionnés par l’organisation sans faille de cette journée d’étude à la citadelle de Boulaouane initiée par le Laboratoire de Traductologie, Communication et Littérature de la faculté des lettres et des sciences humaines d’El Jadida.
Cette journée d’étude alliait visite à un patrimoine historique marocain en déperdition et discussion littéraire autour d’un sujet central : l’inspiration possible de ce lieu chargé d’histoire dans l’écriture du livre posthume d’Antoine de Saint-Exupéry « Citadelle ». L’affiche annonçant l’événement mettait en lumière le thème retenu sans ambigüité : « La kasbah de Boulaouane : La citadelle d’Antoine de Saint-Exupéry ? ». Le point d’interrogation a ici toute sa pertinence. En effet, la finalité était aussi de chercher quel lien et quelle relation pouvaient rassembler un homme (Saint-Exupéry), une oeuvre (Citadelle) et un lieu (la kasbah de Boulaouane). Vaste sujet qui fut l’objet de cette visite sur les traces de Saint-Exupéry. La citadelle de Boulaouane au Maroc est-elle celle que l’écrivain-aviateur décrivait dans son livre posthume édité par Gallimard : « Citadelle, je te construirai dans le coeur de l’homme » ? Laissons à ses lignes un semblant de réponse et la parole au mystère de la littérature et de l’Histoire.
Sur place, l’échange sur le sujet a été riche et a éclairé tant soit peu cette histoire ignorée. Sous les remparts de la Citadelle, après une introduction des professeurs Abdelhak Jaber, responsable du Laboratoire (TCL) et Abdeddine Hamrouche, professeur d’arabe, le professeur Gérard Chalaye expliqua et commenta le livre « Citadelle » d’Antoine de Saint-Exupéry. Gérard Chalaye, chercheur associé au laboratoire T.C.L, lut quelques passages de l’oeuvre, il avait auparavant, au sein de la Faculté des lettres, assuré un cours de discussion autour de cet ouvrage de 480 pages.
Ce fut aussi l’occasion pour moi de présenter la somme d’informations que j’ai pu récoltée en 2009 et 2018 sur la visite dAntoine de Saint-Exupéry à la kasbah de Boulaouane et sa rencontre sur les lieux avec le caïd de la tribu des Aounates, le caïd Tounsi. L’inspiration de Saint-Exupéry par cette visite pour écrire son livre posthume a été révélée dans l’une de ses lettres datant de 1929, alors que la visite eut lieu deux années auparavant. J’ai évoqué les détails de cette visite méconnue et presque ignorée dans mon récit actualisé intitulé : « Sur les traces de Saint-Exupéry à la kasbah de Boulaouane. Circuit Citadelle ». Ce récit fut publié dans mon livre : « Mazagan, mémoires partagées (2017)» dont j’ai offert, séance tenante, des exemplaires à l’ensemble des participants à cette sortie pédagogique.
Mais la kasbah de Boulaouane perchée en haut de la falaise sur la rive gauche de l’Oum er-Rébia, souffre : la sécheresse chronique qui sévit n’a pas arrangé les choses. Le pourtour immédiat de l’enceinte quadrilatère est presque désertique. Cette forteresse, classée patrimoine national par le Dahir du 11 mars 1924, est assurément en péril et nécessite une restauration rapide et d’envergure. En s’approchant par le petit chemin sinueux vers l’entrée du site, le visiteur a le sentiment que le lieu est abandonné. Ce sentiment d’abandon se dégage avec acuité à l’oeil nu, alors qu’un tel lieu emblématique est à même d’animer la vie de la commune de Boulaouane par l’organisation de circuits culturels et de visites éducatives au profit des élèves de la province d’El Jadida, de Sidi Bennour et d’autres provinces. Mais tout reste à faire : créer une infrastructure légère de restauration sur place, des toilettes, le débroussaillage de certains endroits intérieurs, la pose dune pancarte explicative du lieu et surtout l’aménagement d’une route qui mènerait, en toute quiétude, vers le site. Car la petite route actuelle, qui traverse la forêt d’eucalyptus clairsemée, est visiblement en très mauvais état et presque impraticable, par endroit, pour les grands véhicules.
Cette visite d’étude ne serait pas finie comme il se doit sans rendre hommage à la femme en cette journée du 8 mars. La professeure Jamila Ayaou appartenant au même Laboratoire a précisé qu’il ne s’agit pas, comme le fait circuler certains médias, de la Journée de la femme, mais de la Journée des droits de la femme. De belles roses panachées ont été offertes aux étudiantes et professeures en ce moment de fête rappelée d’une autre manière par Saint-Exupéry dans « Citadelle » quand il dit : « Il est un temps pour la création, mais il est un temps pour la créature ».
À l’aller comme au retour le double trajet de 75 km séparant El Jadida de Boulaouane fut allégé par quelques chansons du jeune répertoire marocain grâce au guitariste Ilyass Jaber.
Faisaient partie de cette visite pédagogique les étudiants du Master « Culture et littérature francophone moderne » et les professeurs Abdelhak Jaber, Abdeddine Hamrouche, Jamila Ayaou, Touria Uakkas et Gérard Chalaye.
jmahrim@yahoo.fr

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