Au temps du Protectorat, il y avait à El Jadida deux écoles religieuses créées dans les années 1920, l’une dite Ecole Notre-Dame des Flots, devenue école Notre-Dame de la Jeunesse, sur la route de Sidi Moussa et l’autre, Ecole Notre-Dame des Apôtres, ancienne Institution Jeanne d’Arc, sur la rue Victor Hugo, derrière le Lycée ibn Khaldoun. Après le départ des religieuses, qui tenaient ce dernier établissement, son siège fut occupé, jusqu’à ce jour, par la Délégation régionale de la Jeunesse et des Sports.
L’autorisation d’ouverture de l’école primaire privée française dite « Institution Jeanne d’Arc » fut accordée, par arrêté viziriel, à Mlle Forbin le 26 novembre 1921 (BO n° 477). L’école était installée dans la villa « Peppo di Maria », mais le document ne cite pas son adresse exacte. Dans ces premières années les enseignantes de l’établissement étaient au nombre de six : Mlles Forbin, Bergulia, Mazella, Sulzer, Mmes Bochsler et Turro. Dans les années 1930, l’équipe fut rejointe par la Mère Marie-Thérèse, la sur Gamaliel et la sur Marie-Joseph.
En 1948, le Bulletin officiel révèle quelques changements survenus à la tête de la direction de cette institution : Mme Kriebel Gertrude, religieuse requérante, a été autorisée, par arrêté viziriel, à succéder à Mme Marie Bayoud, religieuse, démissionnaire, en qualité de directrice (BO du 28 mai 1948)
Quant à l’Ecole Notre-Dame de la Jeunesse, selon Marie-Odile Létang, ancienne élève de cette institution, et dans laquelle sa mère enseignait, l’école, ainsi que sa chapelle, avaient été construites au début du Protectorat, après 1914, par les Pères Blancs qui étaient des missionnaires d.Afrique. Ces religieux ont eu des missionnaires au Maroc.
L’enseignement à l’école était prodigué à des jeunes européens, majoritairement français, par des enseignantes laïques. Il y avait les classes de maternelle, CP, CE1, CE2, CM1 et CM2, d’une trentaine d’élèves chacune. Dans la chapelle de l’école, destinée au culte et aux fêtes religieuses, un aumônier dispensait la religion catholique. Le père Bousquet, curé de 1933 à 1953, venait officier les dimanches (jusqu’à la construction de l’église catholique Saint-Bernard en haut du Plateau). Le père François Muzard lui succéda de 1953 à 1961. Ce dernier, considéré, par les élèves, comme très sévère, avait créé le Patronage (association de bienfaisance) à l’Ecole où une section de Jeannettes et de Louveteaux (jeunes Scouts) réunissait les enfants les jeudis, autour d’activités diverses liées au scoutisme et travaux manuels.
En 1951, Emilie Marie Constance Lelièvre, à l’âge de 28 ans, venant de France prit les rennes de l’école. Elle était aidée de ses collègues : Antoinette Bridonneau-Fornès, Madeleine Bidot, Raymonde Létang, Pierrette Dufour Renault, Mme Jacquier et Mme Cuvelier.
Nommée directrice de l’école Notre-Dame de la Jeunesse, elle y passa six ans. Elle est revenue en France en 1957. De retour en métropole elle continua à diriger des écoles denfants et décéda le 30 janvier 2020, à l’âge de 97 ans.
À l’indépendance du Maroc, une communauté de religieuses catholiques, d’obédience maronite, venues du Liban, prit la Direction de l’école. Faute d’archives on ne peut connaître le nom de la directrice libanaise qui prit la relève, toujours est-il qu’en 1977, cette fonction fut confiée à Gabrielle Rosanios. On ignore également dans quelles conditions ces religieuses arabes arrivèrent à El Jadida. À cette question posée à Mme Bernadette Rey Mimoso-Ruiz, professeur à l’Institut catholique de Toulouse, celle-ci laisse entendre qu’en règle générale c’est le Vatican qui confie ce genre de missions aux religieux. Gérard Rontard, ancien de Mazagan, témoigne : « À larrivée des soeurs libanaises, il fallait faire la prière plusieurs fois par jour et le jeudi après-midi on faisait du scoutisme avec le professeur de gymnastique qui était le chef scout. En 1959, nous avons participé au camp international à Azrou, dans la forêt de cèdres » (courriel du 17 septembre 2022).
Cependant avec l’arrivée des soeurs libanaises, un enseignement en arabe y fut désormais prodigué (lecture et écriture). La Soeur libanaise Lydia Marie, en habit à cornette blanche, enseignait en Cours Moyen. On y enseignait aussi l’art de vivre, les règles de bienséance, la coûture, la broderie, le jardinage et divers autres arts. L’établissement qui comprenait principalement des enfants d’exploitants agricoles européens de la région s’ouvrit dans les débuts de l’Indépendance à plus d’élèves marocains musulmans et juifs. Les notables musulmans de la ville qui avaient inscrit leurs enfants à cette école souhaitaient un enseignement préscolaire d’excellence.
Quant à la chapelle, elle fut transformée en salle de classe. Ses derniers vestiges visibles disparurent en 2002.
Marie-Odile Létang qui a suivi toutes les classes du Primaire dans cette école, témoigne : « Venant de Casablanca, ma famille prénommée Létang arriva à Mazagan en 1953. Mon père Serge Letang y fut muté en tant que Fondé de pouvoirs à Bank Al-Maghrib. Ma mère rencontra alors le curé de l’église de l’Assomption dans la cité portugaise, pour nous inscrire dans une école ; il la dirigea alors vers l’école Notre-Dame de la Jeunesse. En tant qu’institutrice de formation, elle accepta d’y enseigner, à la rentrée 1954-55, en Cours élémentaire. Ma sur cadette, Huguette, née en 1950, fut inscrite au jardin d’enfants avec Mlle Pierrette Dufour. Née en 1949, je suivis le Cours préparatoire avec Mlle Antoinette Bridonneau-Fornès. En 1979, prés d.Aix-en-Provence, jai revu le père François Muzard qui était venu à mon mariage. Il résidait dans une maison de retraite pas loin du Puy-Sainte-Reyparade ».
Les enfants externes arrivaient à l’école par un bus spécial qui effectuait le ramassage scolaire. Le car faisait la tournée, matin, midi et soir. Le premier chauffeur du car était espagnol, M. Garcia. Il était aidé par Abdelaziz qui assurait la sécurité des enfants à la montée et descente du car. Sa femme Aïcha s’occupait du ménage. L’autre graisseur était Brahim Abouchadi qui s’occupait aussi du jardinage. Il y avait aussi un petit internat, une cantine, où oeuvrait Rachel, juive marocaine, qui partira, plus tard, en Israël. Elle sera remplacée par Ba Mokhtar.
Le 10 décembre 1952, suite à la grève générale qui eut lieu à El Jadida en commémoration de l’assassinat du syndicaliste tunisien Ferhat Hachad, la chapelle de Notre-Dame de la Jeunesse fut partiellement incendiée. Mais le feu fut rapidement maîtrisé et la chapelle restaurée. Le lendemain, il y eut l’arrestation par la police du Protectorat de six écoliers âgés (par rapport à la norme communément admise) de l’école privée Safa Hassania et inculpés en tant qu’auteurs de l’incident. Les élèves réfutèrent ces allégations mais écopèrent, quand même, dune petite peine d’emprisonnement. Parmi eux, Mohammed Houbairi, enseignant par la suite, qui raconta cet épisode dans son témoignage paru dans mon livre « Souvenirs marocains, El Jadida au temps du Protectorat 2009 ».
En 1979, l’école fut acquise par Mohammed Khalil, fonctionnaire de L’ Éducation nationale, qui s’est associé, deux ans après, en 1981, à Maître Tayeb El Ouariti (1936-2018), ancien bâtonnier de l’ordre des avocats d’El Jadida. Selon Naoufel El Ouariti, actuel directeur de l’établissement, M. Khalil y conserva un poste de conseiller pédagogique jusqu’en 1983. L’établissement fut rebaptisé alors « Etablissement Oum-Errabii » en hommage au fleuve qui traverse la région mais également pour marquer l’orientation bilingue de l’enseignement. L’institution, assurant alors un enseignement de trois niveaux : primaire, collège et lycée, s’est agrandit pour recevoir un nombre considérable d’élèves.
L’établissement a fêté en 2021 son premier centenaire par une grande manifestation culturelle.
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