L’ami Jean-Pierre Guilabert, président de l’Amicale des anciens de Mazagan en France, m’a informé du décès le 3 décembre 2022, de Madame Madeleine Rivière, compagne du poète mazaganais Jean-Louis Morel. Depuis mars 2020, Madeleine, suite aux conseils de son médecin, vivait dans un Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes, près de Narbonne.
Je ne peux oublier Mme Rivière, Mado pour les intimes, mon ancienne professeure au collège Chouaïb Doukkali à El Jadida en 1965-66. C’était une figure marquante de l’enseignement public à El Jadida dans ces années-là. Connue par sa gentillesse et sa douceur pour ses élèves, elle a exercé au primaire comme au collège plusieurs années d’affilée. D’autant plus que ma relation avec elle s’est prolongée en France dans les années 1990 et 2000. Mado et son compagnon Jean-Louis Morel avec lequel elle vivait en couple depuis presque une quarantaine d’années, nous hébergeaient, mon épouse et moi, chez eux à Narbonne lors des assemblées annuelles de l’Amicale des anciens de Mazagan. Et dire que nous étions parfois une douzaine de personnes chez elle venues du Maroc et d’autres villes de France. Elle nous recevait toujours dans la joie et la bonne humeur, avec le sourire et beaucoup de dynamisme. Autant de jours inoubliables que nous avons passés ensemble.
Madeleine Rivière est née au Maroc et précisément à Casablanca, pendant le Protectorat. Son père exerçait à Tamanar et Idda ou Tanane en tant qu’officier des affaires indigènes avant de prendre sa retraite. Arrivée à El Jadida en 1960, elle a d’abord enseigné à l’école Foch des garçons, Al Moukaouama, sous les directives de Marcel Ratel, avant de regagner le collège Chouaïb Doukkali dès sa création dans son nouveau bâtiment édifié en haut du Plateau. C’était alors les belles années du collège du temps de son directeur, le jeune Si Ahmed Hattab et du surveillant général Si Abdeslam Abbadi
Madeleine Rivière était appréciée dans l’établissement par ses élèves marocains et aussi par ses confrères au travail. Elle avait la particularité de faire aimer la langue et la littérature française à ses jeunes élèves, en majorité de familles modestes. Par son approche douce, humaine et conviviale, elle faisait adhérer les élèves à son cours. D’autant qu’elle les considérait comme s’ils étaient ses propres enfants. Sa démarche, à l’intérieur de l’établissement comme à l’extérieur, était toujours la même : tendre et communicative. Je me rappelle des dimanches où nous la rencontrions près du marché central. Nous, ses élèves issus de la banlieue, nous avions un autre privilège et non des moindres, nous guettions M. Olloix, le père de notre professeure, lorsqu’il passait par la route de l’aérodrome. Nous l’abordions pour lui parler un moment. A la longue, il savait qu’on allait l’attendre près de là où l’on habitait aux abords du terrain de l’aviation.
En classe, Madeleine Rivière, notre professeur de français, vérifiait, à intervalle régulier, le cahier de leçons de chaque élève et portait une appréciation. Dans le mien, je tenais à faire de petits dessins, en guise d’illustrations. C’était, par exemple, une fleur, un chardonneret, des feuilles mortes ou une rivière. Je regardais son visage pendant qu’elle vérifiait mon cahier, le bout du stylo rouge dans sa bouche. Puis je voyais paraître un petit sourire sur ses yeux, et sa main qui traçait dans la marge : BIEN.
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