Tout comme moul’hanoute, (le petit commerçant ou moul l’pisri), moul zeri3a ( le marchand de pépites ) est une figure familière qui meuble le paysage de nos villes et une pièce inséparable du puzzle de notre culture et de nos souvenirs. Il a accompagné notre enfance et continue toujours d’avoir pignon sur rue.
Dans chaque quartier, il était courant de trouver une échoppe fort achalandée en pois chiches, cacahuètes, amandes salées, pistaches et surtout en pépites blanches de courge ou noires de tournesol, délices incontournables de notre enfance.
Un vrai paradis gourmand aussi bien pour les grands que pour les petits qui ne manquaient pas d’y faire un détour sur le chemin de retour de l’école.
Qui d’entre nous n’a pas en mémoire des souvenirs de ces petites boutiques qui faisaient notre bonheur ? Nos yeux d’enfants s’émerveillaient devant cet univers hétéroclite qui se présentait à nous , où des posters des grandes stars de la chanson ( les Beatles, Elvis Presley, Bob Marley et d’autres) tapissaient les murs , à côté de représentations iconographiques religieuses (comme la scène du sacrifice du prophète Abraham, ou Adam et Ève descendus sur terre) , où des romans , des bandes dessinées et des revues artistiques attendaient sagement d’être loués à 2 ou 3 dh aux férus de la lecture que nous étions.
Devant la boutique, siégeait le vendeur ou son aide, en train de remuer les pois chiches ou d’autres fruits secs dans un fond de fût transformé en grand poêle par l’habileté et l’art de la débrouille du vendeur , rempli de sable préalablement réchauffé, et d’où montait l’odeur alléchante des fruits secs grillés , qui chatouillait nos narines et nous mettait l’eau aux papilles, ainsi que celle caractéristique des jujubes et des caroubes.
On était impressionnés par la dextérité dont usait moul zeri3a pour remuer les graines, à l’aide d’une plaquette en bois, la façon dont il les salait sans jamais se tromper sur les quantités, grâce au savoir faire et au coup d’oeil.
Le vendeur , à la mine débonnaire et toujours souriant, était en général originaire du sud, de la région de Zagora et Ouarzazate, comme ses congénères qui semblent détenir le monopole de ce commerce. Une partie de son lieu de travail est aménagée pour y loger avec les siens. Cette étiquette de moul zeri3a lui colle à la peau, bien que le temps passant, d’autres produits sont venus s’ajouter à ce petit commerce mythique. Des friandises comme des sucettes kojak bien colorées , des chewing-gums, des caramels, des bonbons à l’anis ,des réglisses , toutes ces gâteries dont on pouvait acquérir une bonne poignée à seulement 1 dh , des cigarettes en détail aussi.
De nos jours on trouve chez lui également tout un éventail d’autres produits ou fournitures, tels des recharges de téléphone, des billets de loto, des glaces etc…
La remémoration de toutes ces couleurs , et toutes ces odeurs qui baignent nos souvenirs d’enfance, évoque en nous les bons moments partagés en famille ou avec les amis, tout en nous permettant de nous réapproprier notre histoire et de nous retrouver avec nous-mêmes en quelque sorte..
Khadija Benerhziel