El-Jadida : ce Quartier Arabe d’antan


Par l’évocation de ce quartier Arabe d’antan, c’est d’abord à l’organisation urbanistique et à la juxtaposition de ses habitations qu’on fait allusion. Une cohabitation où toutes les classes sociales se confondaient, coexistaient et cette proximité faisait qu’on ne pouvait ignorer ni les joies ni les privations et les souffrances des voisins.
Une solidarité qui s’est instaurée tout naturellement, au fil du temps, du voisinage…pour finir par constituer une sorte de filet social, empêchant quiconque et dans les pires moments de crise, à toucher le fond.
Dans ce « vivre ensemble », même les propriétaires des fastidieux Riads , veillaient scrupuleusement à ce que les façades de leurs résidences ne soient pas trop tape-à- l’œil, par souci d’humilité et respecte des moins favorisés du voisinage.
Cette approche des choses, a fini par engendrer un air paisible et serein dans nos quartiers d’antan. Des quartiers où les gens s’appréciaient, s’aimaient et s’accordaient du temps pour se raconter leurs joies et peines. Il y régnait une telle ambiance et une telle solidarité qu’on avait l’impression, que tous les habitants du quartier, ne sont qu’une seule et unique famille… Les portes restaient ouvertes et quand bien même on les fermait, des bouts de ficelles pendaient toujours à l’extérieur, invitant les proches à entrer sans trop tarder dehors.
C’est dans ce cadre de vie ou les habitants, et à défaut de biens, se partageaient de l’amour, que des générations de marocains ont baigné et appris les premières valeurs de la vie et de leur identité culturelle.
De magnifiques us et coutumes qu’on n’a pas su en prendre soin. Sans doute parce qu’on n’a pas su apprécier leurs apports culturels, sociaux, économiques, spirituels et politiques.
Une belle histoire qui prit malheureusement fin, le jour où nous avons tourné le dos à tout cela, pour prendre comme exemple à suivre, celui du colonisateur dominant. Et en place de nos quartier d’antan, on a adopté un découpage par zones et par classes sociales : villas, immeubles, quartiers populaires…et ghettos
Du coup, les familles aisées et/ou cultivées de l’époque ; celles qui servaient d’exemple et de modèle à suivre ; celles qui n’hésitaient pas à mettre la main à la poche pour donner « un coup de pouce », chaque fois que nécessaire, celles dont les enfants jouaient avec ceux des familles démunis en leur servant parfois d’exemple… sont parties vivre dans des villas et des quartiers lointains (Al Qods, Kodiat Ben Driss, California…), éberlués par ce nouveau style de vie, introduit par les colons et méconnu jusqu’alors par nos habitants
La classe moyenne a, à son tour, délaisse le quartier pour des immeubles et autres appartements « taillés sur mesure ».
Et les plus défavorisés se sont retrouvés seuls face à leurs difficultés et abandonnés de tous, y compris par un Etat aux abonnés absents.
Plus aucun modèle à suivre et s’en inspirer. Plus aucune solidarité et plus aucun « filet » à même de les empêcher de basculer dans les bas fonds d’une société devenue brutalement, froide et égoïste.
Les portes qui restaient ouvertes se sont barricadées et des « chiens méchants » et autres caméras perfectionnés, sont venus consolider cet arsenal de sécurité autour de leurs « prisons dorées ».
L’ironie dans cette histoire, c’est que pendant que nous avions cru à leur père Noël ; abandonnant nos Riads et semblant s’y complaire dans nos nouvelles villas et le nouveau « luxe » auxquels on vient d’y prendre goût à partir des années 60-70 du siècle dernier, ceux qu’on voulait imiter, sont venus, et en force, racheter nos Riads abandonnés et apprécier, et à sa juste valeur, cette chaleur humaine du voisinage qui s’en dégage et qu’ils semblent avoir perdu, à jamais, chez eux.
Le volet culinaire n’est pas en reste, puisque c’est au moment où on a pris goût à leurs frites, qu’ils ont opté pour nos tajines et c’est quand on a adopté leurs steaks, leurs hamburgers et leur fast-food en général, qu’ils ont adopté notre couscous aux sept légumes.
Nous avons abandonné une façon d’être et de vivre, sans penser au rôle culturel qu’elle remplissait ; à la solidarité, la fraternité et la stabilité sociale qu’elle remplissait, en l’absence d’un Etat fort économiquement, et à même d’aider les plus démunis d’entre ses citoyens.
Chinois, Japonais… se modernisent, s’ouvrent à l’Autre, mais pas à n’importe quel prix et pas au détriment de leur culture. Ils avaient compris que ce qui brille n’est pas or et ce qui vient d’ « Ailleurs », n’est pas nécessairement Meilleur et l’Exemple à suivre…aveuglément.
L’herbe n’est-elle pas toujours plus verte chez l’ « Autre», jusqu’à ce qu’on découvre que c’est du gazon artificiel ?
Abdellah Hanbali

Related posts

Leave a Comment