Chronique de Mustapha Jmahri : Des arcs à El Jadida, fragments d’espace et d’histoire

Dans le tissu urbain de la ville d’El Jadida et notamment dans les quartiers anciens on dénote la présence de quelques fragments d’espace hérités du passé. Il s’agit d’arcs construits au début de certaines rues dans les plus anciens quartiers. Certains spécimens existent encore, alors que d’autres ont disparu avec le temps et les aménagements survenus depuis.
On pouvait observer ces arcs en plein cintre à Derb Bendriss, à Mershane, dans l’impasse donnant sur l’avenue Moulay Abdelhafid et la rue du Docteur Blanc, dans la rue Mohammed El-Ayoubi donnant sur le Souk Lekdim et dans la Cité portugaise.
Quand il s’agit d’arc seul ou en berceau, il est réalisé pour marquer l’entrée de la rue. Dans ce cas-là, il n’a pas pour fonction de consolider la structure. C’est une pure décoration pour signaler un espace particulier : par exemple on rentre dans une section affectée au marché, ou bien on passe dans un autre quartier construit pour un groupe social déterminé. Il y en a de nombreux exemples dans les villes anciennes et dans beaucoup de pays.
L’arc ici ne renvoie pas à une ségrégation imposée aux habitants des autres quartiers, mais il est perçu comme signe d’affinité, selon l’adage connu, les gens qui se ressemblent s’assemblent.
Au quartier Derb Bendriss il y avait au moins quatre arcs : deux dans la rue Ben Dagha et deux dans la rue dite des Couturières. C’étaient des arcs bien solides qui avaient, vraisemblablement, pour vocation de soutenir les bâtisses de chaque côté de la voie. Aujourd’hui, il n’en reste que trois. Le quatrième arc a disparu depuis plusieurs années, après la construction d’une maison à étages qui fait l’angle, à la place de l’ancienne vieille maison. Les deux arcs rapprochés de la rue des Couturières sont assez large d’en haut, alors que pour celui de la rue Ben Dagha, il est appelé localement, et depuis toujours, nass kaouss, c’est-à-dire Demi-arc. L’autre moitié de cet arc a été introduite, comme on peut le voir sur place, dans une maison anciennement construite.
Normalement, l’arc appartient pour moitié à chaque propriétaire des maisons de chaque côté de la rue. Peut-être même que, à l’époque, tous les habitants de la rue devaient participer à la construction. Mais souvent, on ne peut pas connaître les vraies raisons de cette construction, et juste faire des suppositions.
Quant à l’arc, toujours existant, qui surplombe l’impasse, znika, située au début de l’avenue Moulay Abdelhafid, il s’agit, à l’origine, d’un portail en bois à deux battants qui n’était jamais ouvert et qui a disparu, plus tard. Il n’en est resté que l’arc, en pierres de taille, ouvert sur l’impasse. Elie Acoca, ancien de Mazagan, qui habitait sur les lieux, au numéro 3 de cette avenue, explique, qu’en 1950, il y avait dans cette impasse trois maisons, la première en rez-de-chaussée, les deux autres avec étages. En face de la famille Acoca, il y avait la famille de Joseph Assédo. À la dernière maison, à droite, il y avait la famille du commissaire de police Ouazzani. Alors que la première était occupée par des sœurs qui faisaient des travaux de couture. Au fond de l’impasse, à gauche, il y avait un petit portail qui donnait sur le tribunal du Pacha où il procédait aux jugements.
Cet arc a une particularité : du côté droit il paraît plus haut que du côté gauche, comme si, à l’époque, le petit mur sur l’arc n’avait pas été terminé.
Tout près de là, dans la rue adjacente, dite du Docteur Blanc, se trouve, au milieu, une impasse portant encore un arc intact en pierres de taille.
L’arc comme élément architectural peut offrir différentes lectures, première ou en profondeur, car il s’agit là d’un signe à la fois physique mais aussi très symbolique.
jmahrim@yahoo.fr

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