Il y a quelques jours j’étais un peu stupéfait en lisant un texte sur la page dun facebooker qui critiquait une soi-disant erreur de date qu’une autre personne avait évoquée dans un article. Pour une simple petite date supposée, insignifiante après tout et acceptable, notre facebooker employait des termes inappropriés du genre «démystificateur » « tombé par la dernière pluie », « improvisateur » et autres vocabulaires de ce genre qui montre aisément que notre facebooker aurait pu aller jusqu’à guillotiner son adversaire improvisé sil lavait pu. Un autre facebooker, retraité et qui avait, dans sa vie antérieure, occupé des responsabilités importantes, commentait certaines pages facebook d’autrui avec un vocabulaire irrespectueux dont on n’aurait jamais soupçonné qu’un tel homme soit capable.
Les réseaux sociaux comme cela a été dit maintes fois par d’éminents connaisseurs génèrent souvent beaucoup d’incivilités. Le célèbre Umberto Eco n’avait-il pas dit : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourdhui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel ». Certains, peut-être affectés par la réussite des autres, se sont déclarés accusateurs professionnels, cherchant non pas à faire avancer le savoir, mais à démolir celui qu’ils qualifient de leur « ennemi ».
Comme le dit si bien Abdallah Bensmain (dans lODJ.ma du 25 août 2023) Internet et les réseaux sociaux nourrissent l’illusion que tout le monde est journaliste mais sans emprunter ni le chemin de la connaissance, ni le chemin de l’esprit critique.
Discutant de ce constat avec certains universitaires de mes connaissances, jai remarqué que plusieurs d’entre eux ne pratiquent pas les réseaux, genre Facebook, et les considèrent comme la porte ouverte à la désinformation. Certains s’insultent en effet, se dénoncent, se font la guerre, privée ou politique. C’est parfois, une caisse de résonnance pour les fake news. La désinformation ici est facile puisque l’individu est déguisé (sous un pseudonyme) ou caché.
Un autre universitaire a été on ne peut plus clair. Le message qu’il ma envoyé est sans équivoque : « Pour rien au monde, je n’accepterai de passer par ce genre de media pour quoi que ce soit, pour quelque raison que ce soit. C’est dangereux et ça prendrait du temps sur des choses importantes que jai à faire et ça occupe la tête pour rien, c’est de la consommation sous forme de communication ». Pour cet universitaire, les réseaux sociaux sont une abomination et le réceptacle des plus bas instincts. Chacun, le plus souvent sous couvert de l’anonymat, se sent autorisé à manier l’invective et l’injure.
Un autre ami historien me répond : « Je fuis les réseaux sociaux car souvent des gens de valeur sont victimes de jalousie ». Dans le domaine de l’écriture, la jalousie littéraire est devenue malheureusement un « topos » social.
Que nous soyons daccord ou pas, les réseaux sociaux ont une utilité dans la société moderne comme moyen d’échanges et informations quand elles sont avérées. Pour les sociologues et autres chercheurs ce vaste champ présente un corpus remarquable pour l’étude dune société avec ses faiblesses, ses tares et ses handicaps, mais aussi ses bons côtés lorsqu’ils sont bien utilisés. Les dérapages se situant surtout au niveau de l’expression individuelle souvent empreinte d’agressivité et d’animosité, franche ou déguisée.
Chronique de Mustapha Jmahri : Les réseaux sociaux et les dérives langagières
