Chronique de Mustapha Jmahri : 30e anniversaire des cahiers d’El Jadida

La série de publications que j’ai baptisée Les cahiers d’El Jadida, a vu le jour en 1993 et cest ainsi qu’elle arrive, en cette année 2023, à sa 30e année d’existence.
Au tout début, ce projet éditorial a bénéficié de l’appui, en conseil et pour le suivi, de trois éminents intellectuels : l’historien Guy Martinet (1920-2003), le sociologue Abdelkébir Khatibi (1938-2009) et la chercheuse Nelcya Delanoë. Sans oublier l’aide en conseils ou corrections de la part de chercheurs et universitaires, marocains et étrangers, pour certains sujets.
À ce jour, cette série a révélé une partie de la bibliographie historique de la ville d’El Jadida-Mazagan, a recueilli les souvenirs des anciens Jdidis marocains sur leur vie au temps du Protectorat, ceux des Français anciens mazaganais, les témoignages des Marocains de confession juive sur leur attachement à la cité et le regard féminin sur lépoque transitionnelle protectorat-indépendance. Elle a permis aussi l’évocation de la vie des communautés européennes, l’expérience des agriculteurs étrangers dans les Doukkala, l’histoire consulaire de la ville, les chroniques secrètes, le patrimoine portugais classé patrimoine mondial, le rôle du lycée Ibn Khaldoun dans la formation de la relève et l’aspect sanitaire au cours des derniers siècles.
L’apport de ces contributions se veut multiple : participer à leffort de recherche scientifique, contribuer à promouvoir le volet culturel local et régional et aider à la conservation et l’enrichissement constant d’un savoir sur l’histoire d’El Jadida et de sa région. Sagissant de ce dernier point, il y avait là une lacune à combler au moment où le Maroc a érigé constitutionnellement la Région en tant que collectivité locale.
Deux idées maîtresses ont toujours prévalu dans la rédaction de ces écrits : mémoire et tolérance. Car, en effet, El Jadida était, depuis ses origines, une ville à mémoire plurielle par ses communautés, son patrimoine, ses traditions et son héritage humaniste. C’est cet aspect qui a fait toute sa richesse comme de celui du Maroc en général.
Si le projet des Cahiers dEl Jadida, projet personnel et bénévole, a su dépasser, pendant ces trente dernières années, divers aléas (documentation, édition, financement, diffusion) c’est, à mon avis, parce qu’il a réussi à obtenir la confiance de ses lecteurs, des intellectuels, des chercheurs et de plusieurs hommes et femmes qui sentent que ces publications répondent, plus ou moins, à un besoin de connaissance ou de reconnaissance.
Mais le projet est aussi collectif, et, c’est là l’un des gages de sa « réussite ». Dans cette aventure, je dois beaucoup à nombre de personnalités dont certaines sont décédées tandis que d’autres continuent d’apporter leur aide. Je leur adresse mes vifs remerciements : Guy Martinet, Abdelkébir Khatibi, Nelcya Delanoë, Fatema Mernissi, Philippe Marchat, Mohammed Ennaji, Fouad Laroui, Mostafa El Ktiri, Dr Mustapha Akhmisse, Abdelkrim Bencherki, Alain Grunberg, Grigori Lazarev, Mohammed Benhlal, Boubker Bouhadi, Nezha Skalli, Peroncel-Hugoz, Lucette Heller, Laurence Delord, Jean-Louis Morel et à bien d’autres.
D’autres éminents chercheurs marocains connus qui suivent mes recherches, sous forme de livres ou d’articles, m’ont fait part, lors d’échanges ou de rencontres, de leurs encouragements et de leur soutien tels Chakib Guessous, Mohammed Tozy, Moulim El Aroussi, Mohammed Kenbib, Abdellah Hammoudi, Abdellah Herzeni, Aomar Boum, Hassan Rachik et Mohammed Noureddine Afaya. Qu’ils en soient remerciés.
Il serait intéressant de souligner que l’opportunité de ce genre de publications ne se mesure pas uniquement à l’échelle interne, il a aussi un effet sensible sur le rayonnement externe de la ville et du Maroc. Ces travaux sur la mémoire locale peuvent ouvrir des perspectives en matière de tourisme culturel, d’échanges et de partages d’expérience avec les peuples du monde.
Bien entendu la tâche n’est jamais facile et le chercheur doit constamment affronter des difficultés d’ordre documentaire et surtout matériel. Mais, seule compte la passion qui l’anime.

Related posts

Leave a Comment