Le couffin et ses dérivés à travers les coutumes marocaines par Moussa Ettalibi, Dr Sci.,

Le couffin est l’objet utilisé par plusieurs corps de métiers pour ne pas dire la totalité de l’humanité. En effet, dès le mariage, on assiste au partage des rôles. L’alliance, la bague de mariage et/ou de fiançailles se portent à l’annulaire de la main gauche de la mariée. Il s’agit d’un symbole de fidélité, de bonté, d’amour illimité et de voyage à longue durée. Quant au marié, il endosse le couffin pour qu’il veille à le remplir tous les jours sans oublier. C’est le symbole de la compréhension, de la dignité et de la protection de la lignée dans la pureté. D’où l’importance majeure du couffin dans la vie de tout un chacun.

Dans l’art de la vannerie, les artisans travaillant à la main comme les «couffiniers», les nattiers, les chaisiers, les cordonniers, les menuisiers, les tapissiers, les balaïeurs, les jardiniers, les meuniers d’antan, les chapeliers et, parfois, les couturiers tressent des matières végétales flexibles comme l’Osier, le Roseau, le Rotin, le Raphia, le Palmier-nain («Doum»), le jonc,… pour fabriquer divers objets, tels que les articles de ménage, les malles, les petits meubles, mais aussi des haies en roseau, etc. Ces corps de métiers méditent leur art dans le calme et la pureté. Parmi les objets les plus utilisés, on trouve des couffins, des landaus, des paniers, des sacs, des coffrets, des huches à pain, des plateaux ou «Tbaq» en jonc et raphia ou palmier-nain pour y déposer du pain à peine sorti du four, des tapis en Sisal ou en Jonc de mer (facile à entretenir et peu salissant), des balais ou «Miknassa» avec ou sans manches en roseau ou bois, des Bâts ou «Choaris» formés de deux couffins ou paniers que l’on place sur le dos des ânes ou des mulets, des nattes, des chaises et tabourets en bois recyclé et en «Doum» ou Palmier-nain, des poufs en cuir, tissu, rotin,…, des chaussures en Raphia, des matelas en Alfa ou «Halfa» en Arabe ou «Auffe» en provençal, venant du vallon des Auffes, petit port de pêche à Marseille. Cette matière est utilisée par les Auffiers pour fabriquer des cordages de navires, des nattes, et des filets de pêche. Comme objets en Roseau, il y a le panier ou «Sella» à une seule anse avec le col étroit très utilisé pour y mettre du raisin. La «Matroussa» ou Hammam traditionnel en roseau tressé sous forme d’un cône, couvert de paille et de couvertures en laine, est une cellule chaude où la vapeur dégagée par des galets chauffés, sur lesquels on verse de l’eau, paraît étouffante au départ puis l’on s’y habitue très vite. Ce hammam peut être construit en pierre sèche ou «Tazzota»  (https://fadwababa.wixsite.com/tazota/our_property). On procède alors à un gommage avec un gant spécial ou une Pierre ponce en terre cuite ou «Mhakka» et du savon noir mou  naturel ou «Saboun beldi». Les cheveux sont lavés à l’Argile smectique à forte teneur en SiO2 et en MgO appelée «Ghassoul». C’est la richesse en silice dégagée, lors du rabotage des roches à l’aide d’une meule ponceuse, qui donne une bonne chevelure aux carriers et aux pierreurs (tailleurs de pierre, maçons, sculpteurs, morteliers,…). La solidité des murs construits dépend de la composition du mortier (sable plus chaux jadis ou sable plus ciment aujourd’hui) préparé par le mortelier.

Pour revenir au couffin ou «Couffa ; Gouffa», des réflexions philosophiques gravitent autour de l’humain depuis des siècles avec des vagues d’attraction et des vagues de distanciations plus ou moins longues. Dans notre époque contemporaine, le retour au naturel fait du couffin et de ses dérivés un objet à retenir pour l’avenir, dans la dynamique de recherche du bonheur et de la sauvegarde d’un souvenir ou d’un objet marquant, précieux dans la vie, sans oublier la préservation de la pollution par le plastique, entres autres. Le couffin, porteur de choses diverses, est porté par une ou deux mains pour que vive l’union au niveau des couples.

A l’époque où le grain était moulu à l’aide d’une meule en pierre, la mouture était récupérée sur une natte circulaire et souple en palmier-nain ou en jute, appelée «Tahhane» faisant allusion au meunier. Le même type de pièce est utilisé par le charbonnier ou «Fouakhri» comme tablier et/ou ramasse-charbon.

Devenu à la mode comme le chapeau, le Couffin est désormais en Raphia, en Cuir, en Tissu ou en Peau de poisson ou de serpent au lieu du palmier-nain ou du rotin. Adopté comme Sac à main pour femmes, il est également utilisé comme Landau (pl. landaus) pour bébé, facile à porter et/ou à pousser sur roulettes démontables. Les livreurs à domicile peuvent s’en servir pour y mettre de la Pâtisserie, du Pain, des repas cuits et chauds, des Pots de Fleurs chics. En marquant dessus l’évènement et sa date, le couffin peut être gardé comme souvenir de classe. Jadis, le couffin était l’allié du Boulanger ou «El Khabbaz», du marchand d’articles et produits culinaires ou «El Baqqal») et de l’Epicier ou marchand d’épices ou «El Attar» qui étaient mobiles faute de magasin fixe. L’épicier était aussi parfumeur et parfois Traiteur à l’occasion.

Pour la solidarité, on distribue des couffins ou sacs ou colis d’aliments de base durant le Ramadan ou chaque fois que l’entraide se fait sentir.

Le couffin ou sac nous rappelle les épices nous venant de contrées lointaines, mais aussi les mets sublimes qu’on prépare durant les fêtes et les cérémonies. Dans ce contexte, on ne peut passer sous silence deux mélanges :

– Le Curry (Cari, Carry) ou «Kari». Ce mélange d’épices comprend de la Cannelle, de la Cardamome, du Cumin, de la Coriandre, du Curcuma, du Macis («Bsibissa» ou fleur de muscade), du Laurier noble et du Poivre noir.

– Le «Ras El Hanoute» signifiant littéralement «Top du magasin» et non «Tête de l’épicier» bien qu’il s’agisse d’une préparation concoctée par tel ou tel épicier («Al Baqqal» ou «Al Attar» ou «Al Aachab». Ce mélange marocain d’épices, signifiant le meilleur du magasin, est délicat et très parfumé. On y trouve, entre autres, du Sel, du Cumin (Cuminum cyminum) ou «Kamoune», du Gingembre (Zingiber officinale) ou «Skingbir», du Curcuma (Curcuma longa, C. xanthorrhiza) ou «Korkom», du Curry (voir ci-dessus), de la Cannelle (Cinnamomum verum ou C. zeylanicum ou C. aromaticum ou C. cassia) ou «Karfa», de la Cardamone (Elettaria cardamomum) ou «Hal ; Qaaqulla», de la Badiane ou Anis étoilé (Illicium verum) ou «Anisone nejmi», du Romarin (Salvia rosmarinus) ou «Iklil Aj Jabel ou El Yazir»), de la Menthe pouliot (Mentha pulegium) ou «Naana fliou», de la Lavande (Lavandula angustifolia, L. vera (sauvage), L. officinalis (cultivée) ou «Khzama», de l’Anis vert (Pimpinella anisum) ou «Yanssoun ou Nafaa), du Fénugrec ou Sénégrain, Trigonelle, Girofle grecque ou Foingrec (Trigonella foenum-graecum) ou «Halba», deux feuilles de Laurier noble (Laurus nobilis) ou «Ghar» ou «Rand», de la Garance des teinturiers (Rubia tinctorum) ou «El Foua», plante médicinale potentiellement dangereuse du fait qu’elle contient de l’Alizarine), du Thym (aussi appelé Farigoule (Thymus vulgaris) ou «Zaaitra» en arabe, «Azoukeni» en berbère pouvant être remplacé par l’Origan commun (Origanum vulgare) ou «Zaatar beldi», de la Nigelle (Nigella sativa), surnommée cumin noir, dont les graines ont des vertus miraculeuses, deux boutons floraux du Câprier commun (Capparis spinosa) ou «Alkabbar» ou «Alassaf» ou du Câprier ovale (Capparis ovata), du Cumin (Cuminum cyminum) ou «Kamoune», deux boutons floraux de Rose sèche du Dades (https://www.agrimaroc.net/2018/05/21/la-rose-du-dades-culture-et-technologies-dextraction-des-essences-de-rose/4/),  du Cresson alénois (Lepidium sativum L.) ou «Hab Rachad» (Ettalibi M. (1983) A study of the fatty acid composition of Lepidium sativum of Morocco. Actes Inst. Agron. Vet. 2(2) : 7-14) (Institut Agronomique et Veterinaire Hassan 2, Rabat (Morocco). Departament de Biochimie Generale), https://agris.fao.org/agris-search/search.do recordID=MA8500182), du Sésame (Sesamum indicum) ou «Simsem ou Jeljlene», une pincée d’étamines de Safran (Crocus spp. L.) ou «Zaafrane», un peu de Poivre noir (Piper nigrum) ou «Ibzar», un peu de Poivre blanc ou «Felfel Abiad», de la Coriandre (Coriandrum sativum) ou «Kazbara», un peu de Piment fort (Capsicum annuum, C. frutescens) ou «Felfel Har», un peu de Poivre ou Piment de la Jamaïque (Pimenta dioica) ou «Felfel Tabel», un peu de Noix Muscade (Myristica fragrans) ou «Gouza» et un peu de Clous de Girofle (Syzygium aromaticum) ou «Kronfel».

En outre, du fait que le couffin ait une ouverture très large, on a tendance à croire qu’il est difficile de le remplir. D’où l’Adage marocain «Se contenter d’un couffin sans raisin», signifiant qu’on ne cherche point les pépins, c’est-à-dire les ennuis. Mais on peut se contenter du strict nécessaire. D’ailleurs, «Savoir se contenter de ce que l’on a : c’est être riche» selon Lao Tseu, Philosophe Chinois né en 571 av. J-C et mort en 531 av. J-C.

Pour ce qui est du sac, «Avoir plus d’un tour dans son sac» signifie être débrouillard, malin ou rusé ou combinard ; avoir plus d’une idée en tête. Ceci s’applique aux avocats qui ne peuvent se passer de leur serviette ou cartable ou sac pour sortir des pièces maîtresses pour défendre lors des plaidoiries décisives.

Concernant le couffin ou corbeille en vannerie (osier, rotin, roseau, palmier-nain) à fruits secs («Fakiha»), que l’on sert avec le thé à la menthe aux invités à l’improviste, il contient des fruits à coque comme la noix, fruit du noyer  (Juglans regia L.) ou «Jawz» ou la pacane, fruit du pacanier (Carya illinoinensis), la pistache, graine du pistachier (Pistacia vera) et l’amande, fruit de l’amandier (Prunus dulcis). On peut y ajouter de la noix ou graine contenue dans la coque du fruit du Noyer du Brésil (Bertholletia excelsa) riche en sélénium et en vitamine E, de l’Arachide (Arachis hypogaea) ou cacahuète ou «Fostoq» ou «Foul soudani» ainsi que des graines grillées de Tournesol (Helianthus annuus) ou «Nouar Shems» et de citrouille ou courge (Cucurbita pepo) ou «Garaa». Mais comme le mot doux est toujours apprécié, la meilleure des choses à offrir chez les Marocains est la datte («Tamr»), la figue sèche («Attine») et le lait («Halib»). D’ailleurs, dans les réceptions officielles, on sert du lait et des dattes.  Autrefois, les visiteurs des souks n’oubliaient jamais de se ravitailler en fruits secs doux pour soigner leur hospitalité. Ainsi, les mots doux et savoureux enlèvent par aimance de notre chemin des clous qu’ils soient gros et/ou fins.

Coin des Poètes…P390 Du Couffin au Sac à main…Par Moussa Ettalibi

Chacun sur terre vit avec au moins un couffin,

Jadis fabriqué avec du rotin ou du palmier-nain !

On le teintait puis on le tressait à la main,

Généralement avant la levée du matin !

Le soir, en rentrant à la maison, il doit être plein.

Peu importe ce qu’il contient ! Du pain au levain ?

Des épices comme le curcuma, le cumin, …?

Des fruits secs comme la datte, la noix, le raisin, …?

Pour tous, le couffin plein satisfait le corps sain.

Mais on peut vivre avec une grappe de raisin.

L’eau non polluée doit être à portée de main

Pour éviter tout pépin en cas de mal de rein !

Pour voyager vite fait, bien fait dans le train,

Le couffin peut remplacer la valise dans cet engin !

Il peut faire office de pharmacie et de boite à soin,

Se rangeant facilement dans n’importe quel coin !

Solidarité oblige, la distribution de couffins,

Remplis d’aliments et choses dont ont besoin

Les pauvres arrivés au bout du vieux chemin,

Sauve et comment la prodigalité des humains !

La mode aidant, le couffin devient sac à main.

Le palmier-nain cède la place au cuir, au lin

Ou au raphia avec des teints variés, chics et fins

Que les dames agencent avec des habits en satin !

Avec la livraison à domicile de pâtisserie et de pain,

Le couffin sert de coffret distingué pour le Gratin

Dont l’élégance ne s’arrête point à un écrin,

Ni à une table de réception au rez-de-jardin !

Comme le prêt à porter est un clin d’œil de festin,

Le couffin reste une pièce maîtresse de destin

Sur laquelle peut jouer le designer mondain,

Orfèvre de la mode mettant la beauté sur le tremplin !

La réflexion philosophique que m’inspire le couffin

Est à la portée sans ambages de tout humain.

A l’âge de se marier, la femme hérite d’un bijou fin

Et l’homme reçoit tout simplement un couffin !

P.S. «Le couffin, porteur de choses diverses, est porté par une ou deux mains pour que vive l’union» Cf. P391 Le couffin et ses dérivés à travers les coutumes marocaines. Moussa Ettalibi

Moussa Ettalibi, Dr Sci.,

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