La ville portugaise de Mazagan : Patrimoine Mondial
Au titre de la convention concernant la protection du patrimoine Mondial Culturel et Naturel, le Comité du patrimoine Mondial a inscrit, en date du 30 Juin 2004, la ville portugaise de Mazagan (El Jadida-Maroc) sur la liste mondiale du Patrimoine Mondial.
L’inscription sur cette liste consacre la valeur universelle et exceptionnelle de ce bien culturel, afin qu’il soit protégé au bénéfice de toute l’humanité.
« La ville portugaise de Mazagan est un exemple exceptionnel de l’échange d’influences entre les cultures européennes et la culture marocaine ». (1)
Un aperçu historique : d’une petite tour marine (L’brija – البْرِيجَة) à une ville fortifiée.
Lorsque George de Mélo avait reçu en 1505 l’accord du Roi Emanuel 1er pour construire à Mazagan, une forteresse à ses frais, il a choisi avec ses hommes, l’emplacement de l’ancienne ville détruite Mazagan (Mazighane), mais, incapables de résister longtemps aux attaques répétées des habitants de la région, les portugais se sont réfugiés à une petite tour, nommée Lbrija, située sur le Cap au bord de la mer, pour s’embarquer vers le Portugal (2).
Après l’occupation d’Azemmour et Mazagan (Mazighane) au mois de septembre 1513, Lbrija devient au mois d’Août 1514 une des quatre tours d’un refuge de défense (un réduit), de la conception des frères architectes Diogo et Francisco de Arruda.
En 1518, Antonio Leite, capitaine de la place et du port de Mazagan, reçoit l’accord du Roi Emanuel pour creuser autour de ce réduit un fossé d’eau relié à la mer. Certains écrivains confondent le réduit de Mazagan avec le Castello real de Mogador construit par les portugais en 1506.
Plan de situation
Dès le siège de Safi en Mai-Juin 1534 par les Saadiens(3), la souveraineté des portugais sur Doukkala devient de plus en plus menacée. L’intention du Roi Jean III d’abandonner Safi et/ou Azemmour, sans quitter la baie de Mazagan, est déclarée au mois de septembre 1534 dans une circulaire adressée aux membres de son conseil (4). Ces deux villes nécessitent d’énormes dépenses et ne sont pas bien adaptées pour une bonne résistance dans le cas de sièges.
Á partir donc de 1535, Jean III et les membres de son Conseil se sont entendus tacitement de construire une forteresse militaire à Mazagan.
Après la perte de Santa Cruz du Cap de Guir (Agadir) le 12 Mars 1541, le Roi Jean III nomma Luiz Loureiro gouverneur de Mazagan (ancien gouverneur de Santa Cruz et de Safi, il est arrivé de Safi à Mazagan le 23 Mars 1541). Des passages tirés d’une correspondance du Roi Jean III adressée à Luiz Loureiro le 13 avril 1541, (5) nous donnent des indications précises que les portugais occupaient la baie et résidaient dans l’ancienne Mazagan (Mazighane ou Mazagan Velho), et que le Castelo n’était qu’un petit réduit de refuge peu fortifié et sans abris.
Avant d’abandonner Safi et Azemmour au mois de décembre 1541, et Mazagan Velho (Mazighane) vers la fin de 1542, le Roi Jean III ordonna l’exécution du projet de la forteresse à Mazagan et chargea, au mois de Mai 1541, l’Ingénieur Diogo Torralva pour étudier la région et rassembler toutes les informations environnementales, techniques et économiques, et confia à l’Ingénieur italien Benedetto de Ravenna l’élaboration du plan de la forteresse.
Suivant le plan établi au mois de Juillet 1541 par Benedetto, les travaux sont entamés au début du mois d’Août 1541 par la construction des remparts et bastions, sous la direction de Luiz Loureiro, le célèbre architecte João de Castilho et le maître des travaux João Ribeiro.
En Octobre 1541, Miguel de Arruda présenta le plan des rues et des maisons… En 1543 l’ancien Caslelo est rénové: ses tours étaient reconstruites, sa cour transformée en citerne d’eau couverte, et son fossé remblayé pour construire à sa place les magasins (celliers) une église, (église de la Miséricorde) et un hôpital.
Vers la fin de 1546, la nouvelle ville de Mazagan est devenue une ville fortifiée avec ses bastions et ses murailles, plus son système de défense externe formé d’un fossé d’eau, des palissades, des demi-lunes, et des tours de guet externes. Luiz Loureiro, premier gouverneur portugais de cette place, désirait qu’elle soit nommée « Cidade de-bom-aventura »: ville-de-bonne-aventure. (6)
Planta de Mazagao Simao dos Santos 1718_23
Plan de Mazagan établi par Simao dos Santos entre 1718 et 1723.
La ville fortifiée de Mazagan a connu, le long de quatre siècles et demi environ, un ensemble de transformations qui nous donnent actuellement une architecture cosmopolite, sans influencer sur son authenticité:
– Après le siège de 1562, les portugais ont fermé la porte des bœufs, et ont construit en 1579 une nouvelle église paroissiale (Matriz), l’église de l’Assomption(7), dans la place des armes, suite à la destruction, lors du siège de l’ancienne Matriz N. Dame de lumière (Nossa Senhora Da Luz).
– Lors de leur sortie de Mazagan le 11 Mars 1769, les portugais ont laissé dans la forteresse un forgeron qui a allumé les mèches des mines dans le bastion du gouverneur et sous la muraille au moment de l’entrée des marocains dans la forteresse.
En l’an 1201 de l’hégire (24 Octobre 1786-12 Oct. 1787), le Sultan Sidi Mohamed ben Abdallah donna ses ordres de restaurer les remparts, la réhabiliter en renforçant son urbanisme, et d’ouvrir son port. (8)
– Au XIXe siècle, la ville fortifiée était habitée par des marocains musulmans et juifs, et une communauté européenne formée essentiellement d’Espagnols et d’Anglais de Gibraltar; ce mélange de cultures a donné à la cité une architecture urbaine cosmopolite avec la préservation de son authenticité grâce à l’intervention de l’Etat marocain.
Description
La ville apparaît tracée autour de l’ancien château (refuge) sous forme d’une étoile de vent (projection des tours des bastions sur les tours de l’ancien château): une conception qui permet la surveillance des régions situées aux quatre points cardinaux. Les remparts, dont l’assise est construite de gros blocs de pierres taillées (parpaings), sont en talus et infléchis vers l’intérieur: une conception qui vise à assurer la défense des remparts, soit par les canons placés dans les casemates des bastions, soit à travers les canons placés dans les meurtrières (ou embrasures) percées dans le parapet des murailles.
L’étoile de vent
Le plan des rues correspond à un concept romain basé sur deux axes perpendiculaires: le Decumanus, orienté Ouest-Est, correspond à rua dos Celleiros prolongée par rua do Contador, et le Cardo Maximus orienté Nord-Sud correspond à rua de Carriera. Au Sud-Ouest de l’intersection entre le Cardo et le Decumanus on trouva le forum avec: ses magasins, ses deux prisons, sa citerne d’eau, son église de Miséricorde (détruite et dont seul le clocher gothique est encore visible en haut de la tour de la prison), son hôpital (détruit) et sa place d’arme (Terreiro).
Toit de la citerne- avec le petit clocher Gothique de l’ancienne église Notre Dame de Miséricorde.
Plan
A suivre.
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(1)- Convention du patrimoine mondial-unesco- lien whc.unesco.org/fr/list/1058
(2)- Luiz Maria da Cunha- Memoria para a historia da praça de Mazagam- p 4. Ed. 1856.
(3)- P. Cenival. Sources inédites de l’histoire du Maroc- 1° série-Tome II. Ch. 163. p637.
(4)- ibid- Ch. 164. p637.
(5)-P. Cenival- Sources inédites de l’histoire du Maroc- Tome III- Ch. 153- p 390. Le roi João III dit qu’il ne sait quel ordre lui donner, « s’il convient d’abandonner la ville de Mazagan (Velho) et se retirer à la citadelle (Lbrija), ou bien résister dans la ville de Mazagan et combattre l’ennemi … les soldats se battent mal lorsqu’ils sentent derrière eux un ouvrage où s’abriter; ils ne songent qu’à s’y réfugier le plus tôt possible …. Loureiro lui-même a dit qu’il vaudrait mieux que la ville n’existât pas et que la citadelle (Lbrija) sans elle serait plus forte. — D’autre part, il y a bien des inconvénients à évacuer la ville: on ne pourra si bien en démanteler les maisons qu’elles ne servent d’abri à l’ennemi et quelles ne lui fournissent des couverts pour approcher de la citadelle; cet abandon lui donnera du cœur; la citadelle est bien petite et ses murs bien peu forts; on n’y fera que difficilement des abris; l’ennemi pourra plus aisément interdire tout débarquement..».
(6) Livro de Várias Plantas deste Reino e de Castela vers 1730- João Tomás Correia de Brito (1699- 1743)
(7) R. Ricard- inscriptions de Mazagan- Ch. III: Inscriptions de l’Eglise Notre Dame de l’Assomption- p 399.
(8) L’historien marocain Abderrahmane Ben Zidane, Livre « Ithaf » d’après le Manuscrit « Dorat Essoulouk » درة السلوك de l’Emir Moulay Abdessalam ben Mohamed ben Abdallah.